Bruno Dumont : Jeanne – révision des poncifs

Fidèle à sa légende comme à celle de La Pucelle - Bruno Dumont propose la suite de Jeannette avec Jeanne basée sur la pièce Les mystères de la charité de Jeanne d'Arc de Péguy et avec une musique "hérétique" de Christophe tout sauf anecdotique.

Toujours fidèle à l'altération et au radicalisme Dumont crée un film passionnant - beaucoup plus que sa  "Jeannette". Dans les dunes de sable chères au réalisateur la robe pourpre d'un prélat qui entre dans le champ fascine d'entrée. La charge historique est présente par un pacte artificiel mais qui marche. Et la parole fait office de vérité inédite quant à la véracité des lieux.

Pour autant l'image prédomine dans des jeux d'écarts face au naturalisme historique. Dumont transpose et transplante continuellement les lieux, leurs monumentalités ou leurs désertifications là le réalisateur joue des anachronismes.
Existe une expérience particulière de la foi et du sacré à travers une tension et une ambition aussi céleste que ridicule entre absolu et dérision dans une économie de moyens et une mise en scène géniale.

Le film nous fait oublier tous les autres films sur Jeanne d'Arc. Elle est transfigurée par la grâce qu'invente Dumont à travers sa comédienne-enfant. Elle vacille, fragile, tout en dégageant une force.  Et le réalisateur casse les conventions cinématographiques par un paradoxe. Il tient de la  prise au sérieux du sacré par une laïcité fortement marquée.
Le burlesque n'est plus celui de Ptit Quinquin ou Ma loute. Il est situé en face de l'absolu dans une mise en tension étrange. L'"idiotie" devient ici un travail d'intelligence qui dépasse l'histoire "classique" de Jeanne d'Arc. Et ce, grâce aux brèches dans la monumentation, en une sorte de cinéma du paradoxe de l'instant où le vrai est forcément de travers.

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.