Claire Keegan et les blanchisseuses

Les enfants de mères célibataires sont une tache indélébile sur l’Irlande du XXème siècle. 9000 d'entre eux auraient péri dans 18 foyers gérés par l’État et l’Église, soit 15% de la population. À la suite de la publication d’un récent rapport de 3000 pages, où sont recueillis les témoignages de 550 pensionnaires de ces blanchisseries de la Madeleine, le premier ministre Michael Martin a  d'ailleurs présenté ses excuses au peuple irlandais.

Claire Keegan est reparti sur ces faits historiques, politiques et sociaux pour raconter le destin de Bill Furlong. Livreur de bois et de charbon, né en 1947 d’une mère de 16 ans, domestique chez une bonne veuve protestante l’ayant gardée sous son aile, et de père inconnu il a échappé à un tel saccage.

Trois jours avant Noël, il va livrer le couvent voisin. Les sœurs du Bon Pasteur y exploitent des filles non mariées et elles gagnent beaucoup d’argent en plaçant à l’étranger leurs enfants illégitimes. Il s'agissait là pour beaucoup une rumeur. Mais Furlong se souvient d’une rencontre lors d’un précédent passage. Il avait découvert des pensionnaires vêtues d’horribles uniformes, qui ciraient pieds nus le plancher. Troublé, il avait raconté la scène à son épouse, qui sèchement  lui rétorqua que ce n'était pas son problème.

Mais il va découvrir ce que cachent les sœurs du Bon Pasteur dans leur blanchisserie. Il va vouloir changer le cours des choses, même si la part ordinaire de lui-même voulait simplement se débarrasser de cette histoire et rentrer.
Il parviendra à tourner le dos à la religion et à  l’heure d’aller recevoir la communion il resta par esprit de contradiction là où il était, dos au mur.

Jaillit un conte de Noël d'un genre particulier. L'écriture de Keegan est précise, simple pour coller au sujet. Ce court roman mélange le blanc et le noir, la neige et les boulets de charbon. Tout est lumineux là où l'auteure fait preuve d'un génie narratif et d'imagination fondée sur une réalité crasse.


Jean-Paul Gavard-Perret


Claire Keegan, Ce genre de petites choses, traduit de l'anglais (Irlande) par Jacqueline Odin, Sabine Wespieser Editions, novembre 2020, 120 p.-, 15 €


 

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