Quand Claro se désintègre dans son propre Crash-test
Aller à
la
ligne
à
chaque
mot
ou presque… n’est pas écrire de la poésie. Et mettre :::
au lieu d’un seul est au plus une posture, non une marque de style. Tout cela
est bien « cucul », comme dirait Witold Gombrowicz, l’un des tout
premiers romanciers polonais du siècle passé (on vous recommande d’ailleurs
soit le Cahier de l’Herne qui lui a été consacré, soit le volume de la
collection Quarto, chez Gallimard), lui qui a su mettre en évidence l’extraordinaire
importance de la forme dans la vie, tant sociale que personnelle de l’être
humain. Car, si « L’homme crée l’homme », point de fantasme en
psychologie chez Gombrowicz ; Claro, lui, copie/colle et déforme ce que l’homme a
déjà créé et pense que cela suffit.
C’est au contraire fort déplaisant à lire…
Si Claro manie admirablement la critique (son blog Le Clavier cannibale possède de très
belles saillies) et possède un talent incontestable de traducteur (traduire
étant trahir, c’est donc réécrire), il pêche bien souvent par orgueil quand il
se prend pour un romancier. Le jeu de l’avant-garde caricatural (être membre du
collectif Inculte en est-il la raison ?) n’est pas toujours du meilleur
effet. Et si cela partait sur de bonnes bases (mise à part la typographie qui
finit par lasser !), cette manière de contrevenir à l’accident inévitable
en inventant des chausse-trappes pour que les matériaux ne se transforment en
engins de mort, cela s’étiole vite quand on passe, sans queue ni tête, dans une
autre dimension, à la pornographie (et une nouvelle police bien grasse et fort mal
venue) après un épisode strip-tease
tout aussi inutile.
Là aussi, Ballard a déjà exploré l’idée, de mélanger érotisme et
accidents de la route. Claro aime bien puiser sa non-imagination dans sa
bibliothèque (Madman Bovary, par
exemple) mais mettre bout à bout des historiettes ne fait ni un recueil de
nouvelles ni, a fortiori, un roman.
Bref, puisque le temps nous est compté, « passons à plus sérieux », comme dit si bien Thomas Crown à la fin de la partie d’échecs, et jetons notre dévolu sur les œuvres complètes de Louis-René des Forêts, écrivain autrement plus pertinent, pétillant, jubilatoire…
François Xavier
Claro, Crash-test, Actes Sud, août 2015, 240 p. – 19,50 €
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