Quand Claro se désintègre dans son propre Crash-test

Ce qui aurait pu être un joyeux bordel tourne vite – et court – à la farce. N’est pas Mark Z. Danielewski (La Maison des feuilles et Révolutions) et il ne suffit pas de jouer avec les MAJUSCULES et le corps de la police pour que la magie opère systématiquement, c’est un peu facile.



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ou presque… n’est pas écrire de la poésie. Et mettre ::: au lieu d’un seul est au plus une posture, non une marque de style. Tout cela est bien « cucul », comme dirait Witold Gombrowicz, l’un des tout premiers romanciers polonais du siècle passé (on vous recommande d’ailleurs soit le Cahier de l’Herne qui lui a été consacré, soit le volume de la collection Quarto, chez Gallimard), lui qui a su mettre en évidence l’extraordinaire importance de la forme dans la vie, tant sociale que personnelle de l’être humain. Car, si « L’homme crée l’homme », point de fantasme en psychologie chez Gombrowicz ; Claro, lui, copie/colle et déforme ce que l’homme a déjà créé et pense que cela suffit.

C’est au contraire fort déplaisant à lire…

 

Si Claro manie admirablement la critique (son blog Le Clavier cannibale possède de très belles saillies) et possède un talent incontestable de traducteur (traduire étant trahir, c’est donc réécrire), il pêche bien souvent par orgueil quand il se prend pour un romancier. Le jeu de l’avant-garde caricatural (être membre du collectif Inculte en est-il la raison ?) n’est pas toujours du meilleur effet. Et si cela partait sur de bonnes bases (mise à part la typographie qui finit par lasser !), cette manière de contrevenir à l’accident inévitable en inventant des chausse-trappes pour que les matériaux ne se transforment en engins de mort, cela s’étiole vite quand on passe, sans queue ni tête, dans une autre dimension, à la pornographie (et une nouvelle police bien grasse et fort mal venue) après un épisode strip-tease tout aussi inutile.
Là aussi, Ballard a déjà exploré l’idée, de mélanger érotisme et accidents de la route. Claro aime bien puiser sa non-imagination dans sa bibliothèque (Madman Bovary, par exemple) mais mettre bout à bout des historiettes ne fait ni un recueil de nouvelles ni, a fortiori, un roman.

Bref, puisque le temps nous est compté, « passons à plus sérieux », comme dit si bien Thomas Crown à la fin de la partie d’échecs, et jetons notre dévolu sur les œuvres complètes de Louis-René des Forêts, écrivain autrement plus pertinent, pétillant, jubilatoire…

 

François Xavier

 

Claro, Crash-test, Actes Sud, août 2015, 240 p. – 19,50 €

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