Sur une pensée de Claude-Henri Rocquet

Elle est magnifique, étant tout autre qu’un simple et fidèle constat, un exemple pris au hasard, ou bien encore une rapide recette par elle-même magique, à partir de laquelle pouvoir se mettre en état d’écrire puis, dans la foulée, se croire et, sans plus d’histoire, s’autoproclamer écrivain.
Non, rien de tout cela : plus qu’une sorte d’échantillon, le prototype de ce que, par réflexion interne, cette pensée justement exprime en seulement sept ou huit lignes – si vous me le permettez – à haute tension :
Écrire, c’est laisser passer en soi un souffle dont on sait qu’il en dit plus long que ce que nous avons alors à l’esprit et que nous avons l’intention de dire. C’est se confier à ce vent des profondeurs, à ce souffle qui vient du songe plus que de la raison ou de l’expérience immédiate, sensible. Écrire, c’est tenter d’allier la lucidité et le sommeil, la maîtrise et l’abandon, et se laisser porter et conduire par l’image, la vision, et par la musique de la parole, la force du rythme.

La plupart du temps, la plupart des écrivains ne cherchent évidemment pas à savoir qu'est-ce qu'écrire, encore moins à analyser ce qui leur arrive au moment où leur plume s’anime sur l’objet en proie à l’incommensurable de leur simple désir ou vital besoin d’écriture.
Ils l’expérimentent en fait sur-le-champ, l’incorporent à vrai dire, étant alors le lieu même d’une forme d’effusion de l’esprit qui, sitôt qu’ils en sont pleinement gratifiés, s’extériorise aussitôt forcément dans le déclenchement du phénomène créateur de l’acte d’écrire.

Un tel lâcher-prise n’est évidemment pas renoncement intérieur, mais, au contraire, véritable liberté acquise à travers l’obéissance à ce qui, plus grand que soi, s’invite et prend appui sur vous-même, vous conduisant ainsi derechef à écrire pour vous soutenir vous-même dans l’éprouvante lutte avec l’ange qui, ce faisant, vous inspire.
Ce dont c'est bien entendu d’expérience et en toute connaissance de cause que Claude-Henri Rocquet est en ces quelques lignes, mais pleines à ras bord, le témoin tout particulièrement éveillé.
 

André Lombard

Articles connexes :

Chronique. À dos d’oie sauvage

Les châteaux de sable de Claude-Henri Rocquet 

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.