Norge-Claude-Henri Rocquet : doubler la mise !

Toutes les lettres reçues ne subissent pas le même sort : poubelle, déchiqueteuse, flamme vive du briquet ou nonchalantes de la cheminée… J’en passe et des meilleures, selon leur nature et la qualité du papier ! 
N’empêche,  blague à part, bien à part, il en est et il en reste, par bonheur, quantité de rudement belles, d’émouvantes à souhait ; mais pour cela justement, tout de suite d’autant plus poignantes et douloureuses à relire celles-là, n’est-ce pas ?
C’est alors qu’il faut réagir promptement dès la première petite attaque, montée ou bouffée, de blues : changer d'affect immédiatement, et s’estimer heureux, au contraire, d’avoir eu la chance, la bonne étoile – la grâce, même, pourquoi pas ! – d’en avoir été le destinataire élu, privilégié, et d’avoir encore favorablement répondu, séance tenante, au pieux besoin de les conserver, sans doute mû par un réflexe de défense anticipé contre l’inexorable et tout son tremblement.

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C’est que je viens de me plonger dans les quelques-unes dont me gratifia, au passage, l’amitié de Claude-Henri Rocquet et d’Annik ; à la recherche de celle, unique en son genre dans mon souvenir parce qu'il y lance l’idée, souhaite et se soucie, de la nécessité de publication d’un collectif hommage à Norge.
Mais je m’aperçois qu’il y en a deux, en fait, à ce sujet. La première est datée du 2 mai 2009, l’autre du 7 janvier 2010, beaucoup plus détaillée et insistante.

Cet hommage imaginé, appelé de ses vœux, n’ayant hélas – à ma connaissance en tout cas –,  pas encore eu lieu en réalité, pourquoi ne pas doubler la mise, si je puis écrire, par le projet d’un hommage, également collectif, à Claude-Henri Rocquet lui-même, à son œuvre multigenre et à sa personnalité entière, quoique à facettes en même temps ?
Pour l’un comme pour l’autre, je vois bien ledit dossier à paraître sous l’engageant costume d’un copieux Cahier de l’Herne, par exemple. Chacun des deux y serait à sa place.
Mais attention, rien de pire que les textes produits, façonnés et polis, pour telle ou telle circonstance ; je pense, entre autres, par encore tout récent exemple, à quelques-uns d’entre ceux réunis dans le catalogue commémoratif édité à l’occasion de l’expo Giono 2019 du Mucem : textes répondant à une commande trop goulûment honorée !
Je me souviens que lorsqu’il butait, soit de l’esprit, de la mémoire ou de la plume, Claude-Henri Rocquet avait sagement coutume de dire, en toute confiance, et à haute voix comme pour en aviser aussitôt d’ici-bas l’invisible : Confions cela à la nuit !
La nuit qui venait, certes, alliée substantielle, mais d’abord celle cent fois ou mille fois plus vaste, plus profonde et poissonneuse, où se fomentent les cris forts et d’où jaillit, du plus profond, la vraie lumière à l’intérieur de nous ; lumière capable d’éclairer en un éclair toutes sortes de choses : Eurêka ! Cri du cœur, et cri de l’esprit, alors subitement poussés ensemble, en un seul !
Aussi, que celles et ceux qui ont connu Norge et/ou Claude-Henri Rocquet, apprécient leur œuvre ou partie, se tournent donc vers chacun d'eux à l’intérieur d’eux-mêmes ; et je ne doute alors pas une seule seconde que, de là, l'un et l'autre sauront bel et bien leur souffler les mots propres à exprimer qui ils furent vraiment, et qui ils restent à jamais en tant qu’écrivains, grands poètes inspirés du XXe !

André Lombard

PS : En 1936, Norge fonde les Cahiers blancs qui, en 1939, publieront notamment un Hommage à Milosz.

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