Le regard  intérieur de Claude Louis-Combet

Claude Louis-Combet, illustre combien un praticien chirurgical devenu peintre s'est doté d'un œil ou plutôt d'un regard qui échappe à l'écriture. Car si les mots coulent, apparemment intarissables, sans se déprendre du secret obscur qu’ils ne peuvent cerner, la peinture permet d'aller plus au fond de ce secret.

L'auteur – riche de rencontre avec ce peintre, Martial Hamon aka Nomah – prouve comment la peinture révise l’ignorance des mots pour leur donner une réponse en s’enfonçant dedans – comme d'ailleurs dans le corps –  par une sélection d'un certain mode de regard propre au chirurgien puis au créateur.
Du corps qui est notre veilleur des nuits et des jours et est porteur d'âme, le peintre devient le confident de ses opérations les plus secrètes.  

Dans la saisie  par le tableau de la chair, quelque chose se produit qui n'est pas de l'ordre du simple point de vue mais qui constitue une sorte de mise en rêve du corps et du rébus qui l'habite par l'œil qui se cherche en lui comme on disait autrefois que l'âme se cherche dans les miroirs. Nous n'approchons du regard qu'une lueur sanguine dont nous ne saurions dire si elle appartient à ;l'aurore ou au crépuscule, précise  Louis-Combet avant de montrer comment peu à peu l’œuvre avance.

C'est pourquoi chez le peintre mais aussi chez le poète deux opérations ont donc lieu en même temps : concentration mais aussi ouverture du champ. Avec en plus un effet de réflexion : le regard s'éprend, s'apprend, se surprend alors que l'œil butinant et virevoltant reste toujours pressé. Il lui manque sans doute le poids de la mélancolie et de la mort  mais aussi de l'éros et de la vie et  il se contente de passer d'un reflet à l'autre.

Ainsi, l'œil vise l'objet, le regard la chose – ou ce que Beckett nommait "sa choséité" dans une dimension poétique et structurante qui subvertit les notions habituelles de dehors et de dedans. Et comme l'écrit Louis-Combet, il suffit que le rideau de se lève.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Claude Louis-Combet, Aube des chairs et viscères, illustrations de Nomah, coll. "Scalps", Fata Morgana, février 2021, 56 p.-, 14 euros

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