Claude Luezior : L’Ardore de Pavlina

Par sa poésie Claude Luezior saisit l’espace où les êtres de l’artiste vaudoise Pavlina avancent de leur pré-naissance à leur mort. Beaucoup de ses personnages – les femmes entre autres – semblent des saintes, mais l’écrivain souligne leur perpétuel combat entre « ciel et feu, ascèse et péché ». Chaque toile monocolore montre le travail de la chair et du temps jusqu’à « la mue finale ». L’artiste comme ses personnages et le poète qui les accompagne tentent de percer la nuit. On se demande parfois si les « anges perdues » de la créatrice par leurs exigences ne deviennent pas schizophrènes - partagés qu’ils sont en leurs états  paroxysmiques de besoin d’absolu mais tout autant de celui de la chair. Pavlina la scénarise avec une force sensuelle insidieuse, incisive.


 De tels personnages semblent ne pouvoir connaître que l’isolement en leur cellule de l'amour. Leur bouche au sein de la langueur ne peut embrasser fougueusement que l’absence. Luezior le fait ressentir avec une évidence pudique à travers les images christiques de pénitence (de quelle faute ? De quel amour caché ?) comme s’il fallait payer pour l'inconsistance de l'être. Pourtant les personnages de Pavlina, dans leur gravité, semblent en échapper. Avec majesté l’artiste les plonge au sein de domaines célestes, maritimes ou telluriques. Images et poème s’y répondent, s’y rejoignent.

 

Le geste du poète et celui de la plasticienne  s’unissent en fragments de tendresse ardente et pure.  Les deux sont tendus en un appel vers le sacré absolu de l'Amour. La peinture devient son propre  théâtre mystique et charnel mais aussi celui où résonnent les mots du poète.  Loin des infantilismes séniles, des "zézaiements", du cynisme et de la vulgarité, les deux œuvres forment donc un hymen. Il rappelle entre autres que de la sainte à la condamnée il n’y a qu’un pas, qu’une similitude.

 

En effet dans l'amour tel que Pavlina le conçoit  - sauf peut-être l’amour divin - ne demeure  qu’un vertige angoissant puisque au sein du passage espéré  rien n’est possible même si - sans cesse - comme le poète l’écrit : « Quand l’âme s’abîme en solitude, comment ne pas penser à l’urgence de l’altérité ? »  Mais la créatrice « dit » ce que les mots ne peuvent montrer : la nuit bleue pend mortellement à ses rubans d’étoiles bien des possibilités d’espoir. Ce qui n’empêche pas de rêver.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Claude Luezior, «  Pavlina - Espaces et transparences », Editions du Tricorne, Genève 132 pages.

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