Claudine Loquen a de la mémoire

Qu'il est doux et attentionné de s'occuper des abandonnées de l'histoire. Elles sont nombreuse car la société et sa narration sont patriarcales.
Claudine Loquen tente de réparer de telles erreurs ou errements. Elle affiche – avec son langage particulier et poétique - celles qui furent ignorées par la postérité : la peintre Marthe Lucas, l'aéronaute Sophie Blanchard et bien d'autres encore. C'est pourquoi il ne s'agit que du premier tome.

Tout sort, fuse, pulse dans les épissures des couleurs acidulées et des rondeurs. Pas question de déshabillage :  l'artiste donne à ses héroïnes des robes de bal et nous entrons par une porte étrange dans un monde où de telles femmes sont là pour nous plaire et saisir. Ne reste qu'à les aimer d'un amour – platonique bien sûr – dans la félicité que l'artiste induit en ses oeuvres de délicatesse et d'humour toujours discret.

Se crée une confrontation communicante entre modèles et "voyeurs" via une artiste peseuse de perles et de traces. Elle perce les apparences en une dynamique capable de créer une poésie à et de l’état élémentaire. Se moquant des tatouages de la notoriété reconnue Claudine Loquen réinscrit la traversée du regard dans l’altérité du langage plastique.
L’art devient une figuration d'un noyau inconnu par des éléments "bruts" ou apparemment "naïfs" qui a priori ne se prêtent pas forcément à la "grande" peinture. Mais de fait l'artiste rejoue les dispositifs artistiques afin que surgisse ce que Maldiney nomme la "restance" des images en un acte de figuration inédit. Preuve que créer c’est d’abord dé-créer dans ce qui tient d’un acte de résistance et bien sûr d’évolution. Appelons cela  images de bas-de-casse qui font naître ou renaître des fées.
 

Jean-Paul Gavard-Perret

Claudine Loquen, Les oubliées, préface de F.A. Oudin, illustrations de C. Loquen, 210 x 150, éditions La Grisette, juin 2020, 36 p., 12 €

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