L’être et la ville : « Moi je regarde avec mes pieds »

Le thème proposé par la Scof cette année permet de
confronter nos regards sur la ville en diverses déambulations. Elles croisent photographies,
vidéos, gravures, dessins peintures et poésie. Cette exposition prouve que
contrairement aux ides reçues la qualité garde en art toute son importance.
Elle n’est pas pour autant synonyme d’académisme : les gravures de
Danielle Berthet comme les textes de Bougel le signifient avec un haut
degré d’intensité. Refusant l’approximation de tels créateurs retrouvent un rapport
primordial entre l’être et la cité sans tomber dans l’opportunisme d’une
dénonciation écologique en vogue dans l’art contemporain. La cité devient une
surface aussi étrange que familière dégagée de l’idéalisme romantique comme d’un
matérialisme à tout crin.

Les récitatifs plastiques rappellent les plaisirs et
les angoisses urbains. Danielle Berthet à coups d’ellipses et laps montre comment l’image de
« l’immonde cité » (Baudelaire) se métamorphose en fable
particulière. Celle-ci ne tire plus les pieds les hommes et les femmes
afin qu’ils trébuchent sur un trottoir. Les artistes changent les deux
cours d’eau lyonnais en fleuves d’absinthe tandis qu’à leur jonction bascule
l'astre du ciel. Le visiteur n'en demande pas plus. Il rentre dans la
chrysalide urbaine et sa tendre indifférence. Une lente absorption se
produit là où sous les pas des artistes la ville prend de l’altitude. Le temps,
l’espace déplacent les frontières du réalisme et du rêve. Et s’il demeure
impossible de théoriser ou de systématiser la « politique » d’une
telle exposition, les travaux présentés - quel qu’en soit le genre - deviennent
des lieux de reconnaissance et de repère. S’y éprouve la passion de la
recherche et de l'exigence. Dans un certain minimalisme comme dans un lyrisme
contrôlé ou le raffinement conceptuel.
Jean-Paul Gavard-Perret
« Moi je regarde avec mes pieds » "Territoires", Scof, cité d'artistes de Grigny, mai-juin 2014.
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parfait