David Abiker ouvre le "Musée de l'homme" dans une société matriarcale et castratrice

On le sait depuis peu, la génétique ayant fait des progrès : pour faire un enfant, le si précieux spermatozoïde conquérant n'est plus nécessaire, il suffit d'un stock d'ADN masculin (gratté n'importe où sur la peau), d'une ovule (la matrice incontournable) et d'un déclenchement chimique pour faire un bel enfant. Le Surmâle n'est plus rien qu'un vain délire, en tout cas pour la survie de l'espèce. Rangez vos outils messieurs ! Fort de ce déclin annoncé, et avant de fonder un Mouvement de Libération de l'Homme qui aura certainement de nombreux clients, David Abiker donne avec Le Musée de l'homme une image de l'homme déclinant dans la société, devenue de fait matriarcale et castratrice.

L'homme moderne est infatué de gadgets technologiques et de petites culottes, il revendique dans la revue éponyme à lui consacrée une place d'accessoire dominant. Cette caricature, si elle est prise au premier degré par nombre de mâles, est source de beaucoup de plaisanteries, et David Abiker ne se prive pas de les prendre un par un. Le rapport aux enfants (comment ça marche ?), au ménage (comment ça marche ?), aux autres femmes (elles me veulent toutes) et d'autres plus ou moins cruels qui sont un miroir déformant dans lequel se reconnaître en pied  ! Tout cela pour conclure, avec justesse : « À la place de ma femme, franchement, je me larguerais. »

Car c'est une guerre des sexes qui est ouverte, et comme une improbable lettre d'amour cachée sous les rudesses de l'homme des bois qui pose sa hache ou sa bière quand madame le dit, l'homme moderne non seulement a perdu le combat, mais il se rend sans coup férir bien volontiers. Lâcheté ? non, incroyable calcul qui va, croît-il, lui permettre de continuer à ne rien faire d'autre que de s'amuser car on le dit, de l'enfant à l'homme, rien ne change, sinon le prix des jouets. Et au fond de toute cette petite morgue d'espèce en voie d'extinction, cette tentative de se complaire dans la défaite et d'y trouver un réconfort est toute la force de ce petit livre qui s'en prends finalement plus à l'homme qu'à la femme.

« Ce n'est pas qu'elle veut tout faire. Non, mais elle fait tout tellement mieux que moi que c'est pas la peine que je tente quelque chose, que je prenne une initiative.  / Je suis en train de devenir son collaborateur, son assistant. On travaille ensemble avec des listes ou des Post-it® qui m'indiquent la marche à suivre. »

Abiker ose avec une langue pleine d'humour et d'arrière-goût âcre — l'impression sans doute d'avoir perdu à trop le croire inoxydable son statut d'être dominant — même si son petit jeu se résume assez bien en un match entre un lecteur de 4X4 Magazine et ELLE, comme l'affrontement de deux caricatures. Mais ne boudons pas notre plaisir, car ce petit récit facétieux est à la fois un grand livre drôle et une véritable petite bombe dans le monde machocentriste qui se délite petit à petit.

Tout ayant commencé avec l'avènement de l'enfant-roi, l'univers bascule avec ce qui sera bientôt le règne du féminin. Maigre consolation pour les mâles, ce Musée est d'un humour corrosif et tendre à la fois dont il serait tout simplement idiot de bouder le plaisir.


Loïc Di Stefano

David Abiker, Le Musée de l'homme, Gallimard, « folio », mars 2007 (1re édition Michalon 2005), 235 pages, 5,60 €

 

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