Morts par contumace - Jacques Rigaut

                   


 


 

 

Jacques Rigaut a fait de la transparence un mixte de mensonge et de mystère. Elle est donc le contraire d’une évidence. Et l’auteur de préciser :  « Cette nudité ne laisse rien voir ». Au lecteur de se débrouiller et de faire - ici - avec des auto-meurtres plus que des suicides (même s’il emploie ce mot) car le génie du poète voulait échapper à la médiocrité des seconds. Ce fut une manière de porter une fois de plus atteinte aux règles même celles du refus de l’existence de la part de celui qui avoue ici : « Quand même, je me suis moqué de pas mal de choses ! D'une seule au monde, je n'ai réussi à me moquer : le plaisir ».

 

Dès lors les initiatives de manquer à la vie ne sont plus de simples tentatives d’évasion ou des efforts de liberté. C’est une « pitrerie » qui permet de percevoir l’inexistence et de mettre en abîme le néant par la narration de sa narration. C’est aussi un moyen pour Rigaut d’affirmer sa différence avec le commun des rimeurs : « Vous êtes tous poètes et moi je suis du côté de la mort » rappelait l’auteur dans ses « Pensées » (« Ecrits, Gallimard). Il y demeure  sans aigreur car un tel sentiment à la portée de tous. Il n’était donc en rien pour Rigaut une attitude valable. Il préféra s’en amuser en regrettant de n’avoir connu ni d’amours malheureuses ni la syphilis.

 

Un tel texte permet de retrouver Rigaut dans sa splendide solitude et sa volonté de s’amuser de tout. Même du pire. « Ce qui importait, c'était d'avoir pris la décision de mourir, et non que je mourusse » écrit l’auteur.  Son texte propose un ensemble de « vérités » qui feignent de constituer son existence mais qui ne sont d’aucun secours. Poussé par un esprit de fatalité le livre flatte son histoire comme il entretient un courant d’air en permanence dans les diverses occurrences proposées. Mourant plusieurs fois afin de répéter les mêmes choses « comme on gratte un dépôt » le poète saisit l’inatteignable. Il ne s’agit   pas de modifier le pessimisme mais de lui provoquer une entorse là où une telle occasion reste inattendue.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


« Je serai sérieux comme le plaisir », Editions Derrière la Salle de Bain, Rouen, 10 €, 2014.

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