Thierry Meyssan : Le monde tel qu’il est

On nous cache tout, on nous dit rien, chantait Jacques Dutronc dans les années 1967, et ce n’était pas plus mal, finalement, nous qui aspirons à couler des jours heureux et non à subir le régime de la terreur imposé par ceux-là même qui nous vantent leur zèle à nous protéger quand ils ne sont que des pompiers pyromanes !… D’ailleurs, vous connaissez le dicton qui précise que l’on ne voit pas ce que l’on a sous les yeux : quel film policier n’a pas sa scène où se dissimule la pièce à conviction bien en évidence, sous nos yeux, pendant plus de la moitié du temps ?
Si bien qu’à force d’endoctrinement, de bien pensance et de propagande – le tout adossé à une inculture crasse et une méconnaissance globale de l’Histoire – le bon peuple décervelé et obnubilé par son téléphone se laisse manipuler à loisir par d’infâmes salauds que le bien pensé démasque à l’évidence tant l’à qui profite le crime explicite les actes criminels conduits par nos gouvernants ; mais faudrait-il encore se poser les bonnes questions.

Thierry Meyssan, comme son confrère Michel Collon, pourfend les thèses officielles et déconstruit les mythes qui poussent les peuples à adhérer aux thèses de l’Empire qui n’a de cesse de vouloir déplacer les frontières au seul profit de ses intérêts (pétrole, gaz, finance). Traduit simultanément en sept langues, ce brûlot ne laissera pas indifférent – sauf à participer à la mascarade contemporaine qui veut que de vilains barbus aient perpétré les attentats du 11-Septembre, que Saddam Hussein ait possédé des ADM (armes de destruction massive) et de l’anthrax, que Bachar el-Assad ait utilisé des armes chimiques, etc. etc.
"Tous les États doivent s’abstenir d’organiser, d’aider, de fomenter, de financer, d’encourager ou de tolérer des activités armées subversives ou terroristes destinées à changer par la violence le régime d’un autre État ainsi que d’intervenir dans les luttes intestines d’un autre État." Résolution 2665, adoptée le 24 octobre 1970 (sic) par l’Assemblée générale des Nations Unies.

Cet essai qui se lit comme un récit pullule d’informations d’une rare précision, il faut dire que Thierry Meyssan fut souvent au cœur même de l’action, notamment pendant l’attaque de Tripoli, et parfois sollicité par tel ou tel gouvernement ou service secret pour être l’intermédiaire ou l’homme de confiance… quand il n’est pas l’homme à abattre : Meyssan aura eu un destin hors norme.
Ce politologue est mondialement connu depuis ses prises de position contre la version officielle du 11-Septembre et ses analyses lui ont valu d’être trainé dans la boue par les vassaux atlantistes ou reconnu à sa juste valeur par l’autre moitié de la planète qui ne verse pas dans la politique de l’Empire. On lui doit notamment, en plus de ses livres, pléthore d’articles dont les plus piquants, par exemple, dans Proceso (Mexique, 2001) dans lequel il révèle les liens étroits entre les familles Bush et Ben Laden, qui fut évoqué au Congrès américain par la représentante Cynthia McKinney… ou une étude publiée dans Profile (Russie, 2008) sur les liens familiaux entre Sarkozy et l’un des trois fondateurs de la CIA… voire son fameux reportage dans la revue russe Odnako où il révèle que l’assassinat de Rafic Hariri (2005) fut planifié par Israël, les États-Unis et l’Allemagne et réalisé au moyen d’une arme nouvelle issue des nanotechnologies et utilisant des particules d’uranium enrichi (pour avoir été sur les lieux quelques jours après, j’ai pu constater de visu l’extraordinaire diamètre et la profondeur du cratère mais surtout l’impact du souffle du bas vers le haut, discréditant de facto la thèse officielle de la camionnette piégée, ce qui aurait entraîné un souffle latéral). 
Articulé en trois parties, cet essai dépeint le monde tel qu’il est ; et non tel que l’on aimerait bien nous le faire croire. Il décortique les Printemps arabes vus de Paris, vécus par les Frères musulmans, et organisés depuis Washington. Avec l’épilogue Trump.
Révélateur de la duperie dans laquelle nous vivons, ce livre donnera des insomnies à ceux qui pratiquent la politique de l’autruche ; mais il apportera surtout à ceux qui veulent prendre leur destin en main les données indispensables pour comprendre ce qui se passe. Et s’il est parfois caviardé sur certains noms propres (que l’on devine aisément, soit par le prénom soit par la fonction) il cite aussi ceux qui refusèrent de s’allier au Mal, comme Claude Guéant, par exemple (on comprend ensuite le pourquoi des cabales judiciaires qui entérinèrent sa fin de mandat avec le grotesque procès des tableaux)…
Car il n’est pas joli-joli le mandat Sarkozy, et l’ombre du reniement face au peuple lors du référendum sur l’Europe n’est rien comparé à ce qu’il orchestra en Libye. Le témoignage de Walter E. Fauntroy, ancien membre du Congrès des États-Unis et ancien assistant de Martin Luther King Jr est glaçant : il a vu des soldats réguliers français et danois, aux côtés d’Al-Qaïda, décapiter des Libyens… Puis, le 5 septembre 2011, le président Sarkozy recevra le patriarche maronite, S. B. Béchara Raï, et lui expliquera sans détour que l’Empire va placer les Frères Musulmans au pouvoir à Damas et qu’il faut songer à rapatrier les chrétiens d’Orient en France. Après la Libye, la Syrie…
Or, nous ne sommes plus au Moyen-Age, pour faire la guerre il faut convaincre l’opinion publique du bien-fondé de ses intentions. Une évidence que les Anglais comprirent les premiers : dès 1914, Londres crée le Bureau de Propagande de guerre qui fait appel à des artistes car l’esthétique neutralise la logique. Les USA leur emboitent le pas dès 1917 avec le Comité d’information publique ; Goebbels arriva donc le dernier mais peaufinera la technique qui fut systématisée dès 2003 par l’Empire (Maison Blanche et Downing Street) qui créèrent le Bureau des Communications globales qui publie chaque jour pour leurs ambassades et leurs communiquants The Globale Messager indiquant les éléments de langage à reprendre…
On comprend aisément l’intérêt porté pour les Médias par les grandes groupes industriels (ils sont désormais 14 à se partager l’intégralité des supports occidentaux : le pluralisme est bien mort). En effet, c’est l’atout de la propagande qui permet de mener ce que les spécialistes nomment dans leur jargon la guerre de 4e génération. D’ailleurs, la percée du candidat Macron le démontre : parti de rien mais avec la nébuleuse médiatique derrière lui (BFMTV, Le Monde, Lagardère, Libé, Altice, Vivendi, etc.) il termina premier. Il en va de même dans la manipulation des opinions publiques avec des images fortes, comme celle du petit garçon mort sur la plage, qui permit de justifier une vague d’immigration sans précédent – et totalement hors de propos : ces gens ne devaient en rien déferler sur l’Europe, sauf à satisfaire le patronat allemand qui demanda à voir 800 000 entrants pour casser les revendications salariales. Le déplacement de populations est aussi devenu une arme de guerre…
Ainsi, avec les Médias à leur service – Gilles Jacquier, mort le 11 janvier 2012 à Homs, journaliste à France2, émargeait pour la DGSE et le Mossad –, les chefs de gouvernements distillent les images chocs qui vont créer le plus d’émotion, quitte à en fabriquer comme le montrent de plus en plus de reportages depuis la fin du siège d’Alep, entre les diaporamas d’enfants maquillés comme au cinéma – et donc pas plus mort que vous et moi – ou les vidéos de linceuls blancs alignés comme à la parade où… l’un éternue, l’autre se gratte la jambe, etc.
Mais cela fonctionne puisque les Casques blancs ont bien failli être lauréat du Prix Nobel de la paix alors qu’ils sont en réalité… des combattants d’al-Qaïda. 

En 1951, les services secrets anglos-saxons constituèrent, à partir de l’ancienne organisation homonyme, une société secrète politique : les Frères musulmans. Ils l’utilisèrent successivement pour assassiner des personnalités qui leur résistaient, puis à partir de 1979 comme mercenaires contre les Soviétiques. Au début années 1990, ils les incorporèrent à l’OTAN et dans les années 2010 tentèrent de les porter au pouvoir dans les pays arabes. Les Frères musulmans et l’ordre soufi des Naqchbandis sont financés à hauteur d’au moins 80 milliards de dollars annuels par la famille régnante saoudienne, ce qui en fait une des armées les plus importantes du monde. La totalité des leaders jihadistes appartient à ce dispositif militaire."

Ainsi il en va du monde moderne où les forces spéciales françaises (sous l’autorité du général Puga) aident les djihadistes à attaquer Maaloula puis encadrent les takfiristes à Baba Amr (quartier de Homs) où ils proclament un Émirat islamique. Poche ridicule d’insurgés que l’armée syrienne assiège mais ne pourra déloger car la puissance de feu française les protège (missiles antichar Milan, à 100.000 euros pièce)… France24 diffuse de faux reportages sur le martyr des rebelles que son correspondant Abou Saleh bidonne jusqu’à ce qu’un journaliste anglais ne le filme…
Une « paix des braves » finit par s’installer par l’entremise de Claude Guéant (qui est contre cette guerre) et Thierry Meyssan sert de messager entre les parties : les soldats français (certains porteurs d’une mallette de communication sécurisée de l’OTAN lors de leur capture) et les journalistes sont libérés et remis à l’ambassadeur de France au Liban et à l’amiral Guillaud à la frontière libanaise…
La France se retire (momentanément) de la guerre avant que Hollande ne rejoigne le camp des colonisateurs…
Il faut dire qu’après avoir éliminé le préfet Lacroix (mort en un jour d’un cancer foudroyant) et l’ancien ministre du pétrole libyen Ghanem (noyé à Vienne), le Trésor états-unien peut enfin mettre la main sur le magot libyen de 100 milliards de dollars (avec la complicité de Moscovici, Macron et quelques banquiers d’affaires) et préparer sérieusement la phase2 de la guerre en Syrie pour juin 2012. Car il s’avère que les sociétés norvégiennes Ansys et Sagex ont découvert que le sous-sol syrien était aussi riche en pétrole que le Qatar (ce que le gouvernement Assad ne découvrira qu’en 2013 !) : l’Arabie saoudite s’apprête à lancer une armée sur Damas quand… la Russie tire deux missiles intercontinentaux (un depuis les bords de la Caspienne, un depuis un sous-marin en Méditerranée) afin de stopper l’escalade.
Alors les médias se chargent de commenter qui est du bon côté de l’Histoire.

6 juillet 2012, Hollande réunit les Amis de la Syrie à Paris pour contrer les accords de paix signés quelques jours plus tôt à Genève, et fait asseoir à ses côtés le journaliste de France24, Abou Saleh, qu’il présente comme révolutionnaire et le félicite. Les caméras filment… Sauf que Salah est un criminel de guerre qui a fait égorger 150 civils chrétiens lors de son règne à Homs… Le 12 juillet, 40.000 mercenaires fondent sur Damas, l’opération Volcan de Damas vient de commencer… Le 18 juillet le Conseil de défense est décapité… Les mercenaires tentent même de détruire la maison de Meyssan. Après trois jours de combat Damas est sauvée, l’armée régulière repousse les assaillants et l’on découvre les corps de Pakistanais, Somaliens, Tunisiens, Afghans et quelques Syriens… Les blessés parlent : certains n’ont été formés qu’une semaine, d’autres pensent sauver des Palestiniens en Israël (sic), beaucoup ne connaissent rien de la Syrie…
Les comptes Twitter des médias syriens sont piratés, les chaînes de TV sont déconnectées de ArabSat et NileSat pour réapparaître… depuis l’Australie, pilotées par la NSA… mais le pays résiste, Damas ne tombe pas, les faux reportages sur la fuite d’Assad ne seront finalement pas diffusés…
N’oublions pas, avant de voter au second tour, que la France a déjà beaucoup trop participé à l’effondrement du monde : comment tolérer encore plus longtemps qu’un ministre demande (et planifie) l’assassinat d’un président en exercice (17 août 2012, Laurent Fabuis : « Bachar el-Assad ne mérite pas d’être sur la terre ») et soutienne des terroristes (12 décembre 2012, Laurent Fabius : « Al-Nosra fait un bon boulot. ») ?!
Comment justifier qu’un président de la République demande à l’ONU (François Hollande, 25 septembre 2012) de rétablir un mandat colonial sous prétexte de pouvoir « protéger les zones libérées » ?!
Nous sommes gouvernés par des voyous, Claude Goasguen s’en est d’ailleurs ouvertement ému sur la chaîne LCP arguant que tout le monde connaissait les circuits de financement de Daech et que l’on pouvait donc agir facilement si vraiment on menait une guerre contre le terrorisme (p.151 vous aurez connaissance de tous les noms des compagnies pétrolières qui écoulent le pétrole, des sites où il est raffiné, des ports où il est distribué, etc. tout comme p.191 vous aurez la liste des 17 navires-prisons US dans lesquels plus de 80.000 personnes furent torturées pendant la dernière décennie) , mais autant donner à boire à un âne qui n’a pas soif…
Personne ne semble s’en soucier et le mythe des combattants de l’armée syrienne libre se battant pour la démocratie perdure.
Or aucune image ne témoigne de cela, seul le mot liberté s’affiche, mais quelle liberté ? Celle de pratiquer la charia ! D’ailleurs, le 13 mai 2013, une vidéo d’un commandant de la brigade Al-Farouk (armée syrienne libre) le montre mangeant les entrailles d’un soldat, déclarant : « Nous jurons devant Dieu que nous mangerons vos cœurs et vos foies, soldats de Bachar. »
Faut-il en dire plus ?

"Lors de la dissolution de l’Union soviétique, les élites US crurent qu’une période de commerce et de prospérité succèderait à la Guerre froide. Cependant, une faction du complexe militaro-industriel imposa le réarmement en 1995, puis une politique impériale très agressive, en 2001. Ce groupe, qui s’identifie avec le « gouvernement de continuité » prévu en cas de destruction des institutions élues, prépara à l’avance les guerres d’Afghanistan et d’Irak qui ne furent lancées qu’après le 11-Septembre. Face à son échec militaire en Irak et à l’impossibilité d’attaquer l’Iran, ce groupe changea son fusil d’épaule. Il adopta le projet britannique de renversement des régimes laïcs du Moyen-Orient élargi et de remodelage de la région en petits États administrés par les Frères musulmans. Progressivement, il prit le contrôle de l’OTAN, de l’Union européenne et de l’ONU. Ce n’est que plusieurs millions de morts et des milliers de milliards de dollars plus tard qu’il fut contesté aux États-Unis par l’élection de Donald Trump, et en France par François Fillon."

Il y donc quelques comptes à solder, se demander, par exemple, pourquoi l’enquête sur les attentats de janvier 2015 se conclut par un Secret défense ? Qui a fourni les armes aux terroristes ? qui a formé deux d’entre eux ? pourquoi les chefs d’États ont été photographiés à part et n’ont jamais défilé dans Paris ?
Pourquoi les attentats du 13 novembre 2015 n’ont-ils pas été imputés à Erdogan ? Pourquoi le témoignage de Patrick Calvar, directeur du contre-espionnage, qui rapporta les tortures et les mutilations des otages du Bataclan, fut enterré ?
Pourquoi les Médias n’ont pas rapporté les propos de la presse turque, au lendemain de l’attentat de l’aéroport de Bruxelles (mars 2016), comme quoi les Européens n’ont que ce qu’ils méritent ?
Oui, pourquoi continuer dans le déni ?

François Xavier

Thierry Meyssan, Sous nos yeux – Du 11-Septembre à Donald Trump, Demi Lune, mars 2017, coll. « Résistances », 280 p. – 21,00 €

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