Dominique Moïsi et La Géopolitique des séries

Regardant chaque chose sous l'angle de la géopolitique, Dominique Moïsi pose un regard qu'il veut neuf sur les séries marquantes de ces dernières années, Games of Thrones, Downton Abbey, Homeland, House of Cards, Occupied et Balance of Power, les deux dernières ayant beaucoup moins marqué les esprits... L programme est donc le suivant : que révèlent de nos sociétés les séries qui sont le pendant actuel des grands œuvres transversales comme la Comédie humaine de Balzac, des œuvres qui sont un regard et qui permettent d'appréhender les émotions du monde.

Les séries étudiées par Moïsi lui permettent de remettre en œuvre ses schèmes de lecture du monde, les émotions. Si les émotions dominent le monde et répondent différemment d'un continent l'autre, elles apparaissent pour lui comme le moteur de la géopolitisation du monde d'après le 11-Septembre. C'est oublier que toutes les séries d'avant étaient aussi politisées, l'ennemi a changé, passant du méchant soviétique au méchant islamiste, mais le fond de l'affaire était entendu : la série comme moyen de propagande. Le point de vue de Moïsi, qui découvre cet univers particulier, est que de fait annexe la géopolitique est devenue fait principal, voire même actant de la série et support de la narration (Homeland), les scénaristes transposant dans leurs univers particulier les valeurs emblématiques de notre monde qui, par ce truchement spéculaire, nous devient plus immédiatement lisible. Alors la série imaginaire vient-elle expliquer le monde du spectateur, plus ou moins grossièrement.

Deux écueils cependant. Le premier est une méconnaissance du sujet, sur lequel est plaqué une lecture parfois un peu difficile à admettre. Par exemple, il lie Game of Thrones à DAECH, la violence médiévale et brutale, oubliant que la série est d'abord un roman écrit avant l'avènement de ce groupe terroriste et s'appliquant à montrer un schème propre à la nature humaine plutôt qu'une politisation particulière. Les séries Occupied et Homeland répondent plus justement à son modèle, ne serait-ce qu'en raison de leur proximité immédiate d'avec le réel. Quant à House of Cards, il est si évidemment une critique de la politique que son impact sur le réel est immédiat, affirmant même le nouveau prédicat dont aurait pu se targuer Cocteau : la vie imite les séries .
Le second, plus léger, est qu'il se prive du plaisir même des séries, qu'il signale lui-même ne pas bien connaître ni prendre tout à fait au sérieux. 

Loïc Di Stefano

Dominique Moïsi, La Géopolitique des séries, ou le triomphe de la peur, Flammarion, "Champs actuel", janvier 2017, 196 pages, 9 eur
Aucun commentaire pour ce contenu.