Quelles nouvelles de Sylvie Ferrando ?

Dans la famille, le repas de Noël est toujours un peu le même : certains vont à la messe, d’autres pas. Avant l’échange des cadeaux on procède au chassé-croisé des chèques : les présents sont des commandes et il s’agit d’apurer les comptes afin que personne n’en sorte perdant.
Lors du dîner qui suit, chacun trouve les mets qui lui font plaisir. L’ambiance n’est pas à la Festen, ces repas attendus pourraient revenir chaque 24 décembre et ce pendant des siècles, immuables, agréables. Sauf que cette année-là la grand-mère tant aimée est morte. Tout change alors de façon imperceptible : aucune querelle d’héritage, mais l’équilibre familial est remodelé : la fille ose enfin offrir les livres qu’elle aime, un des fils décide de baisser le prix moyen des cadeaux, tout devient plus réfléchi, plus calme, comme si chacun avait pris conscience de la fugacité de l’existence.

Un éditeur aime la littérature à la folie, c’est son métier, sa passion, il lit de tout, tout le temps, mélange avec bonheur vie professionnelle et vie personnelle, mais au final ne se souvient que des livres qu’il a publiés.
David Hockney, quant à lui est fou de Californie et de lumière, de beaux garçons et de peinture, de photographie et de nouvelles technologies. Il est marié à son art mais sa carrière lui échappe quand ses tableaux deviennent objets de spéculation et de profit. Le lecteur ne saura pas ce qu’il a pensé lorsque l’acheteur d’une de ses toiles les plus connues s’est avéré être Bachar El Assad dans un pays en pleine guerre. C’était une délicate attention d’un mari envers sa femme…

Tout au long de ces vingt nouvelles, Sylvie Ferrando dresse le portait de personnages qu’elle connaît bien pour évoluer dans leur monde : écrivains, éditeurs, libraires, professeurs, formateurs qu’elle réunit dans un joli clin d’œil à Montparnasse ou Odéon. Deux quartiers où l’on parle livres, voyages, expositions depuis au moins cent ans, quand les jeunes américains de la lost génération, Fitzgerald  Hemingway et leurs compatriotes y établirent leurs quartiers.

La tonalité du recueil plutôt tendre, aigre-douce se fait plus incisive quand un inspecteur de l’éducation nationale devient corbeau par orgueil et misogynie ou qu’une candidate à un entretien au concours de chef d’établissement doit se présenter : toute grise, toute terne, toute normée. Les caractères sont brossés avec un bel esprit caustique et affuté, un sens aigu du détail qui fait mouche.

Brigit Bontour

Sylvie Ferrando, Nouvelles, Edilivre, octobre 2019, 94p.-, 10,50 €

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