Robert Colonna d’Istria, Ils sont fous, ces Corses ! : Les singularités d’une île

Avec un tel nom, on peut évidemment s’autoriser à écrire un livre sur la Corse sans trop de risques. Rompu aux descriptions de pays, mais attaché surtout à la Corse, Colonna d’Istria est trop avisé pour pratiquer l’hagiographie ou les descriptions touristiques : il tente, sur le mode plaisant, de restituer la singularité de « cette île d’Italie qui se dore au soleil de France ». Forte d’une culture qui n’a jamais cédé aux modes des Républiques, trop fière pour se résigner à n’être que le terrain de loisirs de continentaux ignorants autant qu’envahissants, l’Île de Beauté méritait cet hommage sans emphase, offert sur le ton d’une conversation entre gens assez bien nés pour se passer de pédanterie ou de lieux communs. L’auteur rapporte aussi bien les impertinences proférées sur l’île que les insularités qui font dire, un peu trop facilement, que les Corses seraient fous. Mais qu’est-ce donc qu’un fou ? L’évêque de Toulouse qui déclara dédaigneusement que la statue de la Madone, la Madonnuccia, que l’on porte à bout de bras à la fête de la Miséricorde, ne serait qu’une statue de plâtre portée par des maquereaux, n’exprimait que sa propre sottise, et si la voyoucratie corse est certes visible de tous, cela ne fait certes pas de tous les Corses des voyous ; c’est simplement que les voyous du continent sont mieux déguisés. Quant à considérer les Corses comme des « insulaires », il faut rappeler que le taux de réussite au baccalauréat y est de 91,6 % contre 89,6 au niveau national.

 

Colonna d’Istria déplore le déclin de la langue corse ; on partage son regret, comme pour toutes les autres langues minoritaires, supplantées par les majoritaires, lesquelles sont d’ailleurs envahies par un néo-sabir primaire. Saluons les pages sur la place de la Corse en littérature, où l’on apprend que la famille de Paul Valéry était originaire d’Erbalunga et que le premier prix Goncourt, John-Antoine Nau, était corse – mais pourquoi tant de dédain ?

La dernière page refermée, la conclusion est acquise : les Corses ne sont pas fous.

 

Gerald Messadié

 

Robert Colonna d’Istria, Ils sont fous, ces Corses !, Éditions du Moment, juin 2013, 202 pages, 14, 95 €

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