Les charmes de la nature morte de Gérard Wajcman

Gérard Wajcman montre combien la picturalité de la matière passe par la nature morte là où le corps par définition (cela en est du moins une) demeure absent. Et ce dans notre monde envahi par les marchandises. Soumis et complices en leur dépendance nous trouvons dès lors dans les natures morte – même si cette appellation française parait regrettable – une jouissance particulière.
Ce genre dit beaucoup sur nous, sur le miracle transfigurant de la peinture elle-même et sur l'empire de nos sens. Les objets deviennent un sujet de dissection se présentant souvent tels des "écorchés" dans leur nature charnelle.
L'auteur rappelle combien le genre est moins le sujet de la nature chose qu'un objet qui devient regard. C'est là son sens majeur. Certes ce lacanien ne pousse pas si loin l'analyse de la peinture que son "maître" – entre autres sur le propos de la peinture en tant que manque – ici de l'objet.
Celui-ci est certes présent mais parfois malade, usé, somnambulique là où tout se renverse car poussé dans un état physique d'instabilité dangereuse. Les objets sont souvent proches de l'effondrement et de la chute dans une signalétique de ce qui est de la vie et de nos chosification. Si bien que la chose peinte perd de sa gourmandise - ce qui n'annule en rien la beauté mais la sublime non sans dangers induits dont l'art est l'inducteur.

Jean-Paul Gavard-Perret

Gérard Wajcman, Ni nature, ni morte : les vies de la nature morte, Nous, octobre 2022, 384 p.-, 35€

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.