Le soleil vivace de Raymond Farina

                   
 

 

Raymond Farina poursuit un but : « Tenter de faire un monde / de ce que le Hasard dispersa dans sa vie / − êtres choses & circonstances ». L’auteur en effet ne s’abstrait jamais du réel et de l’existant. Il se concentre  sur les failles, les blessures qui le hantent et dont il évoque sobrement et pudiquement la douleur. Naît l’accomplissement de poèmes hybrides puisqu’ils retracent divers temps. La nostalgie y suit son cours mais le présent est bien là au moment où, l’âge venant,  il se rétrécit par la loi imparable de l’existence.

 

De la fange du réel les mots créent une dentelle selon les diverses étapes de la quête. Le poète affronte le temps au sein d’images  rémanentes et obsessionnelles. Elles rappellent la robe de la mélancolie de Dürer, ses plis, ses sillons et ses passes dans  un jeu de voile et dévoilement  en un lexique « où se prirent tous mes oiseaux / quand faseillaient les feuilles / quand chaque arbre était singulier dans sa façon de ciseler / l’espace & casser la lumière ».

 

Au nom de tous  les humiliés l’auteur ne cesse de rappeler le temps des désirs et celui où «  nos nuits étaient de chiens lâchés ». C’est la manière de reculer Thanatos et ralentir le voyage de jour à la nuit. Raymond Farina le traverse arrimé à ses propres ombres et ses lumières au moment où elles renversent le jeu trop simple de la représentation « picturale » ou narrative. Le poète dit l’intime en une communion sensuelle et austère de manière la plus sensible qui soit. La canicule des émotions premières demeure calfeutrée au sein d’une poésie qui n’a pour se «  chauffer / que son dernier possible ». Manière de toucher encore la merveille : passant de l’aube au crépuscule  y demeure encore le bleu du Sud  selon une écriture libérée du  « guêpier lyrique ».

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Raymond Farina, « La maison sur les nuages », Anthologie (1979-2006), Recours au poème, 2015.


 



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