Elena Ferrante la littérature et le retrait

Ce recueil sur 25 ans de notes, interview, articles donne la clé de l'œuvre de l'auteur du best-sellers en 4 tomes La vie prodigieuse. Il rappelle que pour écrire - heureuse ou non - il faut vivre caché. A ce titre l'Italienne est devenue un ovni au sein de la mode médiatique. Elle en reste résolument en dehors.

Et cela ne date pas d'aujourd'hui. Même avant sa célébrité (en 1991) l'auteure se limite à l'indispensable ("écrire" dit-elle) et s'épargne de toute présence médiatique. Pour elle un livre ne se réduit pas à une signature. Ce n'est pas le nom qui compte mais ce qu'il dit et la vie qui s'y enflamme. Elle le résume par une formule : "Tolstoi est une ombre insignifiante lorsqu'il se promène au bras d'Anna Karénine".

Certes ce livre de re-collection est forcément répétitif (les interviewers manquent souvent d'originalité) mais s'y inscrit la lutte d'une femme pour que ses livres soient lus. Nous pénétrons dans la pensée d'un auteur souvent ostracisée - ce qui n'empêche en rien son succès. Il existe dans ce travail une forme de profondeur. L'anonymat reste pour elle un moyen d'agrandir son écriture. Et elle pour qui sa réflexion au fil des années avec intégrité et sincérité. Et lorsqu'elle accepte des inyerviews c'est pour préciser les rapports que son travail entretien avec - et par exemple - sa mère, Naples, ou le langage.

Habitée par la littérature et le retrait, celle qui se voit comme la fille de Madame Bovary et non comme "une" Flaubert montre comment toute une sous-culture lui a donné sa "voix". Nul ne peut dire si l'auteure joue un jeu - ce qui ne semble pas sûr. Mais ce livre permet d'ouvrir la focale non sur sa vie mais ce qui compte pour tout lecteur : son œuvre. Et rien d'autre.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

Elena Ferrante, Frantumaglia L'écriture et ma vie, traduit de l'italien par Nathalie Bauer, Gallimard, Paris, janvier 2019

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