Politique des zombies. L'Amérique selon George A. Romero

"Que l'oeuvre de George A. Romero, et en particulier sa tétralogie des morts, soit éminemment politique relève de l'évidence." 

 

Le zombie existe depuis la nuit des temps, un homme mort qui revient à la vie, comme un certain Lazarre... Mais jusqu'à George A. Romero, il était au cinéma soit vivant de nouveau, comme si de rien, soit un monstre assoiffé de sang tout juste bon à faire cible pour quelques films d'adolescents boutonneux... Mais si l'on analyse sans idée préconçue l'œuvre de Romero, ce génie du cinéma de genre, on admet rapidement que le zombie devient avec lui un actant sociologique : il n'est pas là uniquement pour se faire décerveler, mais il symbolise la masse des oubliés de la société américaine qui, dans les années soixante soixante-dix, cette "décennie placée sous le signe du chaos", entamait sa longue course vers le progrès.

 

Le zombie n'existe pas comme "individu", mais comme masse, comme peuple, et doit porter la colère absolue contre la civilisation de la consommation insatiable et vaine. De La Nuit des morts-vivants (1968), à Zombie (1978) et au Jour des morts-vivants (1985), la portée politique du zombie va évoluer pour incarner les préoccupations sociales et sociétales de Romero, aussi bien les oubliés de la société (pauvres, anciens combattants, etc.) que le racisme ou la folie médiatique. 

 

"Face à une société qui détruit au lieu de digérer ceux qui menacent son intégrité, Romero propose la description inverse : la minorité mort-vivante digère les humains jusqu'à former la seule société existante, résolvant du même coup la question des identités marginales."

 

Politique des zombies. L'Amérique selon George A. Romero est un ouvrage collectif coordonné de main de maître par Jean-Baptiste Thoret (déjà auteur d'un remarquable Cinéma américain des années 1970, Cahiers du Cinéma, 2006), d'une grand richesse, où l'on croise aussi bien Herman Melville que Luis Buñuel, et où tous les aspects de l'œuvre de Romero, génial inventeur du film d'horreur moderne, sont décortiqués. L'analyse de ses films, l'invention du gore, la place de Romero dans le système hollywoodien, l'étude du cannibalisme aussi bien qu'une histoire du zombie, ce recueil est un parcours complet et passionnant. En complément des analyses recueillies, plusieurs textes de Romero lui-même ainsi que deux longs entretiens font de ce Politique des zombies un ouvrage essentiel pour tout amateur de cinéma de genre.

 

Loïc Di Stefano

 

Jean-Baptiste Thoret (sous la direction de), Politique des zombies. L'Amérique selon George A. Romero, Ellipse, septembre 2015, 212 pages, 9 eur

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