"Black blocs", la dérive d'une femme

Un roman politique ?


Swann Ladoux, jeune trentenaire sans histoires, rentre chez elle et trouve son mari allongé, une balle dans le dos. Choquée, elle tourne autour du cadavre et perd un temps précieux avant de prévenir la police. Elle voit débarquer le commandant Anton Legal, du SDAT, service de la DCRI qui lui apprend que son mari appartenait à un groupe anarchiste qu’il infiltrait pour le compte de la police. Médusée, Swann découvre alors tout un pan de la vie de son mari qu’elle ignorait. Elle retrouve le squat où vivent ses camarades, se lie avec eux. Bientôt, elle les rejoint et partage leur lutte. A-t-elle basculé de leur côté ?


Le titre renvoie à des regroupements éphémères d'individus au cours d'une manifestation, dont  le but est de perpétrer des provocations, sans que la police puisse en identifier les auteurs. Cette stratégie sert à mener des actions illégales contre tout ce qui est perçu comme symbole matériel du capitalisme ou encore à protéger la manifestation des attaques policières. Les Black Blocs sont aussi des structures informelles et décentralisées, sans appartenance partisane ni hiérarchie. Ils sont principalement constitués d'activistes des mouvances libertaires. Avec un titre et une histoire pareils, Black Blocs ressemble à un roman politique - on croit d’ailleurs discerner l’influence du Nada de Manchette. Pourtant, le roman prend une autre voie.


Fantasmes et manipulations


Le lecteur suit Swann Ladoux dans sa quête pour retrouver l’assassin de son compagnon. Black Blocs a du mal à démarrer. La trame de l’histoire rappelle l’enquête autour du groupe de Julien Bordat et de l’importance exagérée qu’y accordait le ministère de l’intérieur. Du coup, l’intrigue manque a priori de réalisme. Mais petit à petit, le roman prend une autre dimension : Swann ne fait pas le deuil de la mort de son mari, qu’elle croit apercevoir dans des manifestations auxquelles elle participe ; fantasme et réalité finissent par se confondre dans son esprit. De plus, elle réalise qu’elle est manipulée, ainsi que tout le groupe, et  l’assassinat de Samuel découle de ce complot. C’est la partie la plus intéressante du roman, lorsque le lecteur pénètre la psyché de cette femme qui flirte avec la folie. On y retrouve le ton, l’atmosphère de son précédent roman à la Série noire, les yeux des morts. Comparé à ce dernier, Blacks Blocs, plus conventionnel, déçoit quelque peu, même si le talent de l’auteur pour peindre les cauchemars intimes émeut et secoue le lecteur. On attend le suivant.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Elsa Marpeau, Black blocs, Gallimard, Série noire, février  2012, 336 pages, 18,50 €

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