Balzac et les femmes

Balzac et les femmes : tout un roman ou plus sûrement un essai qu’Emmanuelle de Boysson lui consacre.

Probablement née de la froideur de sa mère Fortunée à son égard, sa passion pour le beau sexe le suivra toute sa vie, le perdra ou le sauvera, selon les points de vue.


Sa mère donc, une belle femme entourée d’admirateurs, férue de sciences occultes qui le met dès sa naissance en nourrice où il sera maltraité avec sa sœur Laure, avant la pension.


Dans Le lys dans la vallée, il s’interroge : "Quelle disgrâce physique ou morale, me valait la disgrâce de ma mère ? Etais-je donc l’enfant du devoir, celui dont la naissance est fortuite" ?


Homme à femmes Balzac ? Il leur dédie au moins un quart des pages de la Comédie humaine. Toutes les femmes, les anonymes ou celles qui ont traversé son existence.


Il y a d’abord Madame de Berny dans sa prime jeunesse qui a l’âge d’être sa mère. Il est séduit par le parfum d’ancien régime qui flotte autour d’elle dont le père était le professeur de harpe de Marie Antoinette. Elle veut n’être que sa muse, il veut être son amant et y parvient. De lui elle accepte tout, elle pardonne tout : ses dettes, ses infidélités, ses mensonges.


Laure d’Abrantès devient sa deuxième compagne alors qu’il voit toujours Laure de Berny, il a 30 ans, attend la gloire et surtout l’argent. Tout arrive : avec la parution de la Peau de chagrin, il flambe, s’achète une calèche, un groom, organise des soupers, ne rembourse pas des dettes et se ruine à nouveau. Il travaille comme un bagnard quand il rencontre Henriette de Castries, fille d’une grande famille. Elle a du bien, c’est l’essentiel, il tombe sous le charme, elle le trouve "boudiné, pataud, édenté", mais bon…


Plus tard parmi d’autres liaisons avec des inconnues, il y aura Zulma Garraud et surtout, Eveline Hanska. Madame Hanska qui le lit du fond de son château glacial d’Ukraine, s’enflamme pour lui et lui écrit. Celle qui signe ses lettres "l’Etrangère" s’engage dans une liaison épistolaire qui va durer dix sept ans. Quand elle le rencontre, elle le trouve "si laid, si grassouillet". Ce qui ne l’empêchera pas de l’épouser bien des années plus tard alors qu’il ne restera plus au romancier que quelques mois à vivre.


Entre faillites spectaculaires et succès littéraires, ainsi va la vie d’Honoré de Balzac, travailleur acharné, amoureux fou qui nommait les femmes de sa vie Laure, prénom de sa mère et de ses sœurs et dont L’auteur trace un portait contrasté, à la fois sympathique et cynique. En amant qui profite impunément des charmes de madame de Berny en aimant ailleurs tout en acceptant qu’elle relise et corrige son travail, en parfaite secrétaire bénévole.


En homme d’affaires raté qui cherche toujours à ménager ses intérêts, ne choisit les femmes qu’il aime que dans une classe qui peut potentiellement lui apporter renommée et fortune. Même si celle-ci se refusera toujours durablement à lui.


Dans ce beau livre au format de poche aux illustrations superbes, Emmanuelle de Boysson retrace la vie d’un des romanciers majeurs de la littérature française à travers le prisme des femmes de sa vie. Une belle réussite qui donne envie de relire cet amoureux des femmes, ce défenseur de l’égalité des sexes bien avant l’heure, sincèrement choqué par le peu de droits et de liberté qui étaient les leurs à son époque.


Brigit Bontour


Emmanuelle de Boysson, Balzac amoureux,

Editions Rabelais, 130 pages, juin 2016, 14,80 euros


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