Eric Brogniet : cohabitation de l'être et du monde

Pour Eric Brogniet, la  poésie est une peau, peau limite, poche, diversion, immersion, immixtion, déchiffreuse de formes capables de donner au monde de nouvelles empreintes. Les textes de ces deux ensembles ne sont pas de l’ordre de la métaphore mais de la prégnance d’une morphologie micro et macrocosmique. Surgit   la fulgurance d’une pensée rebelle mais jamais outrageusement.  

Afin de   laisser la langue ruer à pleins sabots dans l’improbable, l’auteur jamais ne singe les simagrées des vicaires du verbe. Il trouve l’impertinence dans le besoin de plus en plus fort de sublimer son désenchantement

C'est une manière non de dévorer le monde mais de le faire parler en ses éléments. Et si la langue de la multitude ne fait que toussoter, si dans la bouche mentholée de poètes beaux parleurs se devine le trou menteur, Brogniet à l’inverse est le tourmenteur de l’ordre. Il fait de sa poésie une œuvre de courage. Celui de désenvelopper ce qui est enseveli sous le « bon » sens.

Pour évoquer un tel travail il faut penser à travers les images qui en surgissent, non au développement photographique, mais au développement algébrique. Il met au jour dans une série d’équations nouvelles les différents termes qu’elle renferme. 
Ou encore au développement  géométrique. Il permet de visualiser des surfaces et des rapports inconnus de la réalité et de son opacité. Fini, abrupt le langage devient infini parce que  chez Brogniet il ramène le verbe à son point de cristallisation nécessaire


Jean-Paul Gavard-Perret

Eric Brogniet, Lumière du livre suivi de Rose noire, Le Taillis Pré, Bruxelles, 2021, 19 €

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