Les niches d'Eric Chevillard

     
              

Éric Chevillard, Péloponnèse, Dessins de Jan Voss, Editions Fata Morgana, Fontfroide le haut, 2013,  112 pages.

 

Passant du musée (dans lesquels subrepticement il soulève les toiles pour voir ce qui se cache derrière), descendant par l’escalier de chaque jour, se contemplant au miroir où chaque matin se réinvente notre autofiction Eric Chevillard offre un délice de lecture. Dans ses chroniques il se laisse conduire par les gestes du quotidien et leur modèle appris afin de les dynamiter de manies intestines et de tocs de bon aloi. Chevillard se fait primesautier et drôle pour décrypter notre cinéma dans le théâtre de l’existence. Ses désossements pieux des comportements d’usages créent dans ce  Péloponnèse une terre neuve ou un cimetière. En Médor l’auteur déterre des os de tous les lapins que l’existence pose. A la condition toutefois de renoncer à lire « L’histoire de la guerre du Péloponnèse ». Le livre tombe des mains de Chevillard. Qu’il se rassure il n’est pas le seul. On lui emboîte le pas même si au seul nom de Thucydide, il « rougit de confusion et voudrait disparaître sous terre ».

 

A un tel « théolochien » on pardonnera cette  niche. Et ce même si ce refus de l’âne fera défaut - on le cite - à sa « vaste et pointilleuse érudition ».  Qu’importe : avec ce laveur de vitres du réel en costume à carreaux se poursuit  avec délectation complice la grève de la fin. D’autant qu’à n’y voir que du feu tout lecteur raterait bien des merveilles. D’une chronique à l’autre le temps devient un sable émouvant et les choses telles qu’elles sont deviennent des choses en soie. Tout cela ne fait pas un pli. Même aux  pantalons dont, pour l’écrivain, le pluriel est douteux. Quand aux  nonnes on les sent prêtes à montrer leurs saints à un quidam. Comme le poisson rouge du livre il semble sans mémoire. Mais « ne sachant pas quand sa vie a commencé il éprouve le poids des siècles passés » et de leurs guerres. Sauf bien entendu celle du Péloponnèse.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

 

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