Raies alitées et syndromes de l'espèce : Joël Bastard et Éric Coisel

Avides d'humour, de mots, parfois d'une presque lascivité de derrières les fagots, nos deux fauteurs de troubles concoctent à leurs mains deux  livres d'art étranges et pénétrants. Les compères s'amusent en divers exercices de capillarité et comme dirait Novarina d'imbécilité sans lesquels l'art et l'écriture ne sont pas ou si peu.

Dans Organes Sensibles la matière en coulées momifiées devient mémoire. Loin des abeilles se transforme en répertoire de toutes les phobies. Et bien malin celle ou celui qui pourrait en donner les définitions d'autant que les dictionnaires restent impuissants à définir une bonne partie des maladies mentales que les chenapans retiennent. Ce qui ne les empêchent pas d'en faire un beau montrage.

Non seulement éditeur et photographe mais aussi chef du plus réputé restaurant parisien de poissons – Prunier – Éric Coisel a dû hameçonner Bastard pour faire sonner son âme en l'engageant dans divers marinas. Si bien que celui qui s'était réservé aux pythies du langage est devenu non seulement trouvère et ménestrel mais graphiste et dessinateur.

Quant à Éric Coisel il a l'extrême élégance de toujours rester en retrait face à ses invités. Nous l'attendons pourtant devant un écritoire comme devant ses fourneaux. Pour autant ses photographies et interventions plastiques créent des flots souterrains et accordent une magie aux choses préexistantes. En cuisinier il les pare et prépare en des consommés tel un chamane toqué de blanc. Et ce, afin que les surfaces visibles acquièrent de nouveaux piments.

Jean-Paul Gavard-Perret

Joël Bastard et Éric Coisel, Loin des abeilles & Organes sensibles, Éditions Collection Mémoires, 2020

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