Parkeromane, Eric Naulleau, un beau voyage en amitié.





Parkeromane, Eric Naulleau.

 

Graham Parker est né le 18 novembre 1950 et l’information est, en soi, capitale. Il fait partie de cette génération qui aura tout essayé, tout mis à plat, en politique comme dans les styles de vie. Avant, il y avait l’Après-guerre et sa génération londonienne qui avait connu les bombardements. Avant, il y avait ceux qui avaient montré leur courage, leurs peurs aussi, sans pouvoir ensuite le raconter. Après, il y eut la génération des « finis ton pain, tu n’as pas connu la guerre ». Dans l’Angleterre des années soixante et soixante-dix, il n’y eut pas de conscription pour mourir au Vietnam, mais la révolution de la vague de libération sociale que cette guerre a amenée dans son refus de l’autorité, la réaction pacifiste d’une jeunesse qui voulut réinventer la musique, en oubliant celle de ses parents. Naulleau nous apprend que Graham Parker est à écouter, maintenant, sa voix grinçante et son allure fine et dégingandée comme le précurseur de la New Wave, même avant Costello et Jackson, qu’il est un des derniers mythes du Rock’n Roll encore vivant, et pour cela le livre aurait dû échouer à nous le prouver.

 Eric Naulleau est tombé dans la musique de Parker à s’en créer une addiction monomaniaque et sympathique, la parkeromanie. De onze ans son cadet, il semble se forger son futur intellectuel et surtout critique, sur l’exemple du chanteur. Naulleau écrit que la critique est un sport de combat, comme Parker se bat sur son texte. C’est pour cela qu’on découvre un ovni, inclassable dans un genre, sûrement pas une autobiographie tant l’écriture est celle du roman, plutôt un road trip dont l’écriture aurait commencé dés la première rencontre de l’auteur en 1977 avec le musicien.

 Au-delà des anecdotes, Naulleau est d’abord un éditeur dont l’originalité semble éclairée par l’observation de la personnalité de son idole. Nous connaissons cet énervant refus du compromis dans les textes qu’il a publiés, souvent avec déception, l’Esprit des péninsules, puis ceux de Balland. Ce choix, en dehors, des grandes maisons, est aussi celui du Parker raconté par Naulleau, écho de sa propre histoire, jubilation inconsciente de prouver que la création sortie de ses obligations commerciales est la seule qui trouve grâce à ses yeux, même si elle mène à l’isolement, au manque de reconnaissance, aux départs des maisons de productions, au refus de la vague punk des années quatre-vingts, la fin du groupe mythique, les richesses et les échecs, et toujours Naulleau qui le suit.

 Cette amitié qui semble être née, pour l’auteur, dès l’origine, les premiers échanges, la première lecture (un aspect de midinette qui n’est pas caricatural) des chansons, donne au texte une dimension romanesque originale qui offre un dynamisme éloignant le lecteur de la biographie habituelle. Elle permet de faire un voyage dans l’histoire du Rock anglais de l’intérieur, à mettre entre le blues noir de Backstage de Luc Baranger et le Rolling Stones de François Bon.

 Ne passez pas à côté de ce beau travail, celui que nous avons tous en nous et que nous méditons, digérons, refusons à l’édition, pour un jour l'offrir aux lecteurs avec une angoisse de première édition, persuadé que personne ne le comprendra. Mais, la magie est bien là. Parkeromane fait partie de ces livres que nous aimerons ouvrir de temps en temps, objet de bibliothèque dont le récit est moins important que l’Histoire dans laquelle elle vit, que ce soit le temps qui passe ou l’amitié qui reste. J’ai été surpris de ne pas ressentir cette petite jalousie de l’écrivain que je suis, pour le beau texte d’un érudit. J'ai cependant vu resurgir après avoir tourné la dernière page, ma rencontre avec Vladimir Volkoff, cet état idiot de comprendre face à lui, qu’il a déclenché mon envie de n’être qu’un auteur, ces images de nos échanges, de nos coups de gueule et nos différences. Je n’aurai pas le talent de Naulleau pour le raconter un jour, peut-être parce que Volkoff, à la différence de Parker a déjà tout écrit dans la dernière et seule dédicace que j’ai osée lui demander. Elle résume pleinement ce que j’ai ressenti à la lecture de Parkeromane, elle pourrait avoir été écrite par Graham Parker pour Eric Naulleau : « Pour mon ami, dont la vieille amitié me touche, en espérant que cette intersection entre son destin et le mien nous aidera tous les deux à devenir les Maîtres du Temps.»


 

 

 

 

 

 

 

 

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