Comédies françaises d'Éric Reinhardt : zéro pointé

Florian Zeller – qui nous avait livré une nullité sans pareille en septembre 2012 et dont Claro s’en était tout aussi gaussé que votre serviteur – a donc un clone, Éric Reinhardt, chez le même éditeur – on va finir par croire que c’est une manie de livrer tout et n’importe quoi du moment que cela paraisse à la rentrée – qui, quand il n'est pas mis en cause pour atteinte à la vie privée et contrefaçon, s’ingénie à tromper le lecteur en lui livrant un fracas d’historiettes et d’informations sans queue ni tête, le tout servi dans un magma bien dense histoire de faire l’important. On étouffe ! Déjà que les masques rendent la vie pénible, si en plus il faut un support oxygéné pour lire un livre, non merci…

D’autre part, il y a publicité mensongère : la quatrième de couverture parle des naissances d’Internet, or ce n’est qu’un pur prétexte pour délayer une amourette et étaler son peu de culture (trois pages pour lister toutes les pièces de théâtre soi-disant vues, p.66 à 68, complétées p.107 puis l’intégralité des œuvres de Jules Verne p.368 – on respire à l'idée que cela aurait pu être Victor Hugo ou Balzac – si jamais l’idée vous était venue de faire un quizz entre amis) ou sa vulgarité (écrire de la pornographie n’est vraiment plus d’actualité) voire ses idéaux politiques extrémistes en répétant le mot soleil dix fois comme si c’était l’apanage des seuls bourgeois d’en bénéficier sur une terrasse… Quant au primo salarié, il se voit obligé de faire des choses absurdes et dégradantes au regard de sa grande intelligence, quelle découverte, quelle déconvenue (sic)… Mais dans quel monde vivons-nous ?!

Dès les premières pages nous sommes estomaqués par la qualité littérale et la syntaxe employée ; amis poètes bienvenus : Dimitri, notre héros, croise une femme et instantanément il ne rêve que d’une chose : Voir et lécher son sexe. Cela ne se fait pas, évidemment. C’est la catastrophe : une grande tristesse s’écoula comme une baignoire qui se remplit… La métaphore se suffit à elle-même – l’aurait-il piquée à Florien Zeller ? La question mérite d’être posée…  Mais puisque le venin coule toujours dans les veines de Dimitri au point d’en peupler sa nuit agitée. Ah la la mon Dieu que c’est beau ! ah que cette femme lui plaît ! Deux solutions s’offrent à nous : soit Éric Reinhardt est le fils de Barbara Cartland, soit Gallimard tend vers la bibliothèque rose, mais dans les deux cas il y a un hic ! Il faut dire que Dimitri est obsédé par les nanas, les meufs, les filles mais pas par les femmes, question de génération sans doute… De vocabulaire. De respect surtout. On comprend un peu mieux pourquoi ce triste sire a reçu le Renaudot des lycéens : il écrit pour des simplets sans culture, sans goût, sans maturité…
Et quand Éric Reinhardt veut faire de l’humour ça donne : des feux de paille, ma caille. Consternant. Sinon, les filles parlent comme les dindes de la téléréalité : Un assez beau mec. Un feuj. Superbe bite… pas mal niveau baise. Vous, je ne sais pas, mais moi je préfère le style et la rhétorique de Pascal Quignard qui écrit superbement, usant d’hypallages, de litotes ou des paronomases pour libérer la langue dans une poésie douce amer qui invite au voyage, à l’extase, à la pensée, matérialisant devant nos yeux la beauté du monde.

Ici, la beauté serait plutôt le fruit du rapport harmonique entre les doigts, la posture différenciée, la courbure spécifique et suspendue et comme pensive et subtilement évolutive de chaque doigt vis-à-vis de ce que font les quatre autres ; diantre ! il y a là de quoi se fouler une phalange ou tout le moins se casser un ongle si l’on ne fait pas attention à ce que l’on fait…
Nous arrivons à la page 139 et toujours rien sur l’invention d’Internet mais une belle page de citation de Max Ernst, ça ne mange pas de pain, ça noircit toujours un feuillet de plus. Voire une bonne dizaine pour digresser à loisir sur l’art mais quand on ne sait pas de quoi l’on parle on écrit des sottises : Pollock n’a jamais été un peintre surréaliste ! Page 176 il découvre que la CIA a aussi utilisé l’art contemporain pour noyer les esprits et coloniser l’Europe (ah bon ?) et que la Biennale de Venise consacra Robert Rauschenberg en 1964. Mais quelle culture cet Éric Reinhardt qui veut faire mieux que Zeller, deux fois mieux pour être précis, c’est désormais au poids que l’on juge un livre mais son pavé est tout aussi indigeste, illisible, raté.

Vous devez aussi être bilingue anglais-français, sinon vous allez rater quelques dialogues piquants de réalisme au point de ne pas les traduire… Et vous apprendrez à la page 209 qu’avec la soixantaine on éjacule jaunâtre et on bande moins dur, fascinant ! Après quoi nous avons dix pages sur les rencontres tarifées sur le Net avec une jeune femme entièrement naturelle et non épilée, ça tombe bien, Dimitri adore ça – un rappel de son aventure homo quand il était étudiant ? Ses fantasmes de caniveau donne envie de vomir : Éric Reinhardt ne sait pas, manifestement, que l’art littéraire est dans la suggestion, le laisser deviner, l’émotion d’un désir, l’illusion d’un possible, pas dans la liste exhaustive et détaillée de situations ou d’organes utilisés à des fins récréatives que tout le monde connaît et n’a donc aucunement besoin de précision.
Hourra ! Page 245 nous parlons enfin d’Internet, comme quoi la patience est bien une vertu. Sauf que cela devient très vite barbant, technique – X25, CNET, IRIA, PDP-11, etc. –, lourd, lassant… et trop long, on n’en sort que page 353 pour revenir à des attouchements lors d’un concert. Las.

Un malheur n’arrivant jamais seul, 2020 aura été l’année de la Covid-19 et du navet de Reinhardt – dont on lui conseille, plutôt que de noircir du papier pour assouvir ses fantasmes, vu qu’il hésite entre les hommes et les femmes poilues, d’aller directement au bois de Boulogne, il aura ainsi deux-en-un et ça nous fera gagner du temps…

François Xavier

 

Éric Reinhardt, Comédies françaises, Gallimard, août 2020, 478 p.-, 22 €
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