Le sexe dans la littérature : c'était mieux avant ? s'interroge Olivier Bessard-Banquy dans "Sexe et littérature aujourd'hui"

Un essai érudit, fouillé et qui n’oublie jamais d’être drôle, à la manière d’un Pierre Jourde et d’un Eric Naulleau.

 

L’auteur analyse la littérature érotique de ces trente dernières années mais surtout l’intrusion de la sexualité dans l’univers de la littérature dite blanche. En bon spécialiste de l’histoire de l’édition française – il est l’auteur de « La vie du livre contemporain, Etude sur l’édition littéraire, 1975-2005 » - et en amoureux des lettres, il replace chaque œuvre dans l’histoire de la littérature, parce qu’aucune œuvre ne se créé ex nihilo. De la littérature explicitement érotique, il ne sauve qu’Esparbec qu’il compare au passage à Proust et Perec (excusez du peu !) et chez les femmes Françoise Rey et sa « femme de papier » et Alina Reyes et son « boucher ». Pourquoi ceux-là et pas les autres ? Parce qu’il y a un style et une invention langagière chez ses écrivains, quand les autres ressassent les mêmes clichés éculés depuis des siècles. Et aussi, avouons-le parce que ces trois-là ont le sexe festif et mettent les sens du lecteur en émoi quand la plupart des autres ont le sexe triste comme on a le vin mauvais (l’un allant souvent avec l’autre d’ailleurs) !

Les romans (?) autobiographiques de Catherine Cusset ou Annie Ernaux en prennent ici pour leur grade : l’auteur dénonce la pauvreté du vocabulaire, la dépersonnalisation des partenaires (avec une identité résumé à une lettre), le manque d’intrigue. Houellebecq et Virginie Despentes sont les nouveaux représentants de cette littérature sans style où la représentation des relations sexuelles est glauque et déprimante comme notre société de consommation qu’ils prétendent dénoncer (hypocritement et à des fins vénales selon l’auteur). Claire Legendre et Lolita Pille représentent également tout ce que l’auteur déteste : une mauvaise littérature qui symbolise les pires penchants de notre société (culte de l’argent, incitation à la violence, sexe sans sentiment ni même réel plaisir partagé ). Si l’auteur n’élude pas le « cas Millet », à la fois succès de librairie et succès critique, il n’a pas peur de s’aventurer aussi dans des contrées plus minoritaire en explorant quelques figures de la littérature gay. Est-il besoin de préciser que la lecture de Guillaume Dustan lui fait regretter les livres de Jean Genet ?

 

Olivier Bessard-Banquy, même pas quadragénaire, joue parfois malicieusement (?) le vieux réac’ qui regrette les romans libertins du XVIII ème siècle. Il s’amuse à employer des termes très culinaires (« littérature poivrée », « salée », « épicée ») et manie la langue de bien belle manière… pour aborder un tel sujet. Voir cet universitaire bon teint publié chez la Musardine, le faisant côtoyer – au moins au catalogue, si ce n’est dans des sauteries – des anciennes actrices de film X reconverties ou pas en animatrice radio (Brigitte Lahaie, Ovidie) ne manque pas de piquant…

 

Bref, ce livre allie des qualités d’exhaustivité quant à l’objet d’étude à une profondeur de l’analyse, le tout relevé par la sauce piquante d’une écriture finement relevée : le plaisir est au rendez-vous donc tout au long de ces 237 pages !

 

Marianne Desroziers

 

Olivier Bessard-Banquy, Sexe et littérature aujourd’hui, La Musardine, août 2010, 237 pages, 15,20 euros. 

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