Le goût des mots ?

Impressions sur quelques titres de la collection Le Goût des mots dirigée par Philippe Delerm depuis 2006


Le premier est la énième réédition de l’inoxydable les Mots et la Chose de Jean-Claude Carrière. Que dire de ce texte si ce n’est qu’il est aussi indispensable à l’amateur de mot que ne le fut autrefois la préface que Marcel Béalu donna à une anthologie de la poésie amoureuse. Que le titre fait allusion à une célèbre poésie du XVIIIe siècle attribuée à l’abbé de l’Attaignant ! Que c’est un ensemble de lettres qu’un monsieur d’âge mûr adresse à une jeune femme dans la perspective d’enrichir la qualité des doublages de films pornographiques. Enfin que ce texte finit même sur les planches, de façon assez heureuse d’ailleurs. Alors c’est une bonne chose que de voir ces mots de nouveau disponibles.


Le second volume est le volume de Bernadette de Castelbajac, les Mots les plus méchants de l’Histoire, qui est une réédition abrégée d’un volume datant d’une dizaine d’années. C’est une vieille tradition de la librairie française que de donner des recueils d’ana… petites anecdotes et mots possédant ce sel français qui fit de notre langue une des plus vaches et efficace qui soit dans la réplique fulgurante. C’est dire que ce volume en soit n’est que la resucée de citations ou d’anecdotes connues, donc assez moyennement intéressant, mais le propos de l’auteure nous indique qu’elle a fait deux choix : de donner des mots qui ne soient pas attribuables à ces éternels fournisseurs de bons mots que sont Guitry, Wilde ou Tristan Bernard – fournisseurs à qui on attribue plus qu’il n’en ont fourni...  – et qu’elle allait éviter les plus connus. Mais voilà qu’au milieu de ces citations qui se veulent originales, votre serviteur y trouve la fameuse fin des Stances que Corneille en vieux barbon, adressa à la jeune et affriolante Marquise… et voici que ces vers sont attribués à Georges Brassens qui n’en peut mais… Hélas, on sait que c’est le cher Tristan Bernard qui brocarda ainsi notre immortel auteur, Brassens ne se serait pas permis d’emprunter sans citer. Si votre serviteur peut d’une lecture trouver des erreurs… je crains que les sources ne soient peu fiables… à lire donc du bout des doigts pour passer une heure ou deux, pas plus.


Un volume de plus petit format peut vous être offert par votre libraire pour l’achat de deux titres de la collection (dans la limite des stocks disponibles, mais le volume a été édité en 2011!…) ; c’est le directeur de la collection Philippe Delerm qui vous offre une cinquantaine de mots définis par impressions en quelques lignes… Je dois dire que j’ai peu de plaisir à lire du Delerm et que ce volume ne va pas me faire changer de point de vue. J’en donne juste pour exemple les mots Topinambour et Javanaise. L’un se veut subtil et d’un rire fin sur la Deuxième Guerre Mondiale et tombe à plat avec sa phrase finale – tout doit être dans la pointe – : "Finalement, le topinambour, c’était moins dangereux que la Résistance" ! Le second véhicule l’utilisation dans la chanson de Gainsbourg du javanais, argot parisien s’il en fut, mais hélas cela tombe à plat… le principe du javanais n’est pas d’utiliser les consonantiques j-v-n comme dans "j’avoue, j’en ai bavé pas vous" mais Gainsbourg ne fait qu’utiliser un procédé poétique classique d’allitération particulièrement soigné comme il savait le faire… En ce qui concerne Delerm qui semble avoir du goût pour les mots je lui conseille d’aller faire un tour chez Caradec et son dictionnaire de la langue verte ou autre Simonin du même allant.


Au final, voilà une collection assez bancale : quelques titres de qualité mais un ensemble peu soigné, dommage.


Stéphane Le Couëdic-Doffémont


Jean-Claude Carrière,

Les Mots et la Chose,

Points, le goût des mots, janvier 2013


Bernadette de Castelbajac,

Les Mots les plus méchants de l’Histoire,

Points, le goût des mots, février 2013


Philippe Delerm,

Les Mots que j’aime,

Points, le goût des mots, octobre 2011

(Offert pour l’achat de deux titres de la collection)



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