"Simone de Beauvoir, côté femme", petite biographie claire et synthétique

D'un ouvrage sur Simone de Beauvoir par une féministe militante et amie de la philosophe, on pouvait attendre un éloge d'absolu béatification. Il n'en est heureusement rien, et sous le prétexte de « cinquante Belles histoires » (titre de la collection), Claudine Monteil montre un personnage à la fois engagé dans la vie et dans l'amour, dans la pensée pure et dans la politique, mais toujours avec un retrait serein, un regard sur le monde et sur soi qui fait de Simone de Beauvoir, avec le temps, un témoin d'importance.

Car il y aurait mensonge d'en faire une philosophe de premier plan (elle ne laisse pas d'œuvre ni de théorie propre) ou une grande romancière (son style est influencé par les grands écrivains américains — Dos Passos, Faulkner, etc. — et ses sujet, mis à part le très remarquable Tous les hommes sont mortels, sont esentiellement testimoniaux). Simone de Beauvoir, c'est le témoin, la narratrice de son temps et, en premier lieu, du temps de Sartre. Sartre, en effet, omniprésent, comme personnage et comme actant, qui lui souffle le sujet du Deuxième sexe et qui forme sa Liberté au contact du monde qu'il lui fait découvrir, loin des pudibonderies forcloses de son milieu d'origine. Celle qui est à l'origine de la libération de la femme est donc avant tout une femme sinon soumise, même intellectuellement ce serait exagérer, du moins en accompagnatrice de son homme. Position instable !

Lien étonnant que cette union Sartre-Beauvoir par laquelle ils se promettent tout mais dont l'homme profite plus. Pas questions ici de liberté sexuelle, de vagabondage, mais de pensée. Sartre n'aura pas une ligne à propos de son Castor quand Simone de Beauvoir lui consacrera la majeure partie de son œuvre, les plus belles pages de ses Mémoires et, sinon tout son temps, du moins une grande partie de son existence. Tout cela pour lébérer les femmes ? Non, tout cela pour être sans doute la femme la lpus importante de son temps, sortir de son milieu petit-bourgeois sous naphtaline...

Car Le Deuxième sexe est un livre politique. Et c'est ce livre qui restera, bien qu'il soit plus utilisé comme emblème que réellement lu, comme son grand œuvre. Traduit dans le monde entier (même si l'on apprend que la première traduction avait tronqué les passages un peu crus sur l'avortement…), Le Deuxième sexe fait entrer Simone de Beauvoir dans sa propre légende et donne aux femmes, aujourd'hui encore, la force d'assumer une identité pleine et indépendante. Le succès de l'ouvrage aura le MLF pour héritière, et Simone de Beauvoir, toute sa vie, continuera le combat de sa vie, celui d'être une femme.

Claudine Monteil, du fait de l'exercice périlleux de cette collection — très largement illustrée mais succinte, qui propose quelques instantanés — parvient cependant à donner de Simone de Beauvoir une vue généreuse et propre à pousser plus loin la découverte de cette femme d'exception. De ses amours (Sartre, le petit Bost, Nelson Algren ou Claude Lanzmann), de ses amitiés et inimitiés, de ses modèles (Colette) et de ses répugnances (Nathalie Sarraute), de ses engagements quotidiens et du rôle fondamentale de sa sœur, Hélène « Poupette », le parcours « Beauvoir » est sans mystère mais bien agréable. Un beau portrait, plein d'amour pour son sujet mais plein d'à propos également, pour bien commencer avec l'œuvre de Simone de Beauvoir, et bien commencer les commémorations qui approchent (2008 sera le centenaire de sa naissance).

Loïc Di Stefano 

Claudine Monteil, Simone de Beauvoir, côté femme, Timée-Editions, "les cinquante plus belles histoires", mars 2006, 140 pages, 13,50 euros

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