"un couple infernal : l'écrivain et son éditeur"

Voilà typiquement l'ouvrage qui a tout pour nous réjouir à l'avance et dont on sort, sinon déçu, du moins un rien insatisfait. Car s'il est en effet infernal, ce couple écrivain-éditeur, qui n'a de particulier que la nécessité qui fait cohabiter l'un et l'aure dans un partage de la « chose » littéraire (mais ne pourrait dire la même chose des relations entre chaque profession et sa nécessaire conjointe, sans le prestige peut-être de ces métiers de l'esprit…), ce couple est mythique, il fait rêver.

Cet ouvrage, à tout le moins, fourmille d'exemples et d'anecdotes pris aux plus ou moins grandes figures de la vie littéraire. Mais, si l'auteur a beaucoup de matière, son organisation fait défaut, et il faut reconnaître à cet empilement un caractère décousu : il faut tout citer !!  D'un paragraphe l'autre, hop, un autre exemple, aussi court que le précédent, et toujours les mêmes auteurs et les mêmes éditeurs dont l'œuvre et la vie ont été étudiées, mais à l'exclusion des autres. Rien, par exemple, sur la naissance du droit d'auteur, qui donne du sel à cette relation financière. Rien sur les débuts de la publicité, et si l'on parle de Bernard Grasset, on oublie gentiment de dire de quelle manière il s'est conduit pendant l'occupation. Rien non plus sur la naissance de la librairie, sur la petite édition et les auteurs qui vivent d'autre chose, rien sur les honnêtes gens ! un Voici du livre, pas même littéraire, et limité à quelques figures, passablement connues déjà. Non, décidément, à chercher la commentire, on tombe dans l'aigreur. Brisons-là, sur l'impression d'avoir lu, et oublié, un livre document et sympathique.

Finalement le seul véritable défaut qu'il faille reprocher à cet ouvrage, agréable à lire et dense, source ou toujours puiser (malgré l'absence de lexique qui en fait moins qu'un outil) et qui nous conduit dans un voyage étonnant dans les petites misères du quotidien de ces professionnels au contact l'un de l'autre, c'est son absence de finalité. Un état des lieux, sans perspective critique, sans réelle conclusions et donc sans portée (1). Dommage !

Loïc Di Stefano

(1) Nous émettons l'hypothèse que cet ouvrage souffre par trop crument de l'influence d'Emmanuel Pierrat, cité à plusieurs reprise comme un appl du pied et remercié en prime, et donc la marque de fabrique est justement d'accumuler des « exemples » sans les réunir dans une vision d'ensemble… lire notamment son désastreux L'Edition en procès (Léo Scheer, 2003) parmi ses ouvrages lisibles, qui raconte comme une Gazette des Palais les procès d'écrivains (sans rien apporter, notons-le, notamment sur le cas Baudelaire il est douloureux de relire encore une fois l'antienne que l'on croyait abandonnée). A trop faire de commentaires d'arrêts… 

Sylvie Perez, Un couple infernal, l'écrivain et son éditeur, Bartillat, février 2006, 319 pages, 21 euros

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