Dans le miroir des arbres, de Salah Stétié : pour une forêt de félicité

Puisque l’arbre a charge d’homme, m’indique Salah Stétié dans sa dédicace, sachant que j’abonde dans cette philosophie qui n’est point écologique, car elle n’a aucune ambition politique, mais se nourrit d’intuitions, donc d’humanité, elle dit la verdure qui est en nous, cette substance qui est aussi le sel de notre sang quand les sens sont en émoi, j’en appelle aux hommes de bonne volonté pour se pencher sur le berceau du monde : la nature. Car du désir, aussi, nous pouvons ressentir pour un paysage flamboyant puisque vallées et rivières savent chanter pour nos oreilles internes le diamant qui ouvre les soleils de nos cœurs... 
L’intuition donc, qui "est assise avec ses jeunes filles / Anxieuses étonnées sous la première feuille / Ouvertes endormies / Enfin - rien - mais - lui s’ébroue"
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Comme un jeune faon l’homme aussi jouit du contact, ce branchement intégral les pieds sur terre, dans la terre exactement – ainsi le courant tellurique irradiera et l’homme recouvrera ses repères avec les étoiles. Tout est accompli, aurait dit un certain Jésus avant de s’éteindre pour aller ailleurs. Tout s’accomplit alors dans la communion juste et durable de l’homme dans la nature qui l’accueille et le supporte depuis des siècles les siècles...

L'homme a un ami, l’arbre sans qui rien ne serait possible ; mais en ces temps de fer et d’acier rougi du feu dans le sang des innocents, s’en souvient-il encore ? C’est là le chant que Salah Stétié entonne dans une poésie narrative libre de toute norme : un chant épique et religieux comme l’aventure et la culture, seules, savent nous montrer les images oubliées, les textes égarés. Rappelant à nos mémoires évasives les Rubaïyats de Djelâl-Eddine Roûmi qui trouva cette formule merveilleuse :

La rose est un jardin secret où se cachent des arbres

Oui, compagnon de route et d’infortune, confident des amours brisés ou support des amours heureux, l’arbre en nous est aussi le prince de ces forêts qui veillent sur nos destinées en absorbant les vents fétides pour nous offrir un air pur...
C’est depuis son jardin clos des Yvelines que Salah Stétié nous fait signe, rapporte quelques souvenirs, tout en contemplant ses arbres, ses amis jalousement aimés comme certaines favorites d’un harem qui savent ensorceler le maître des lieux. Avec ses chats et ses roses, le poète libanais nous offre une carte du Tendre en pays de bois, rendant hommage au roi de son petit monde, le cyprès, tout d’impulsion lente vers ces cieux inatteignables...

 

 

 

En ouvrant ce livre on se jette dans les rêves sans hésiter, captivé par les mots qui sont un licou, accompagné par les dessins de Farhad Ostovani tout de légèreté enivrante et puis ce temps qui nous conduit vers... un calme tout de félicité enveloppé, nous permettant de nous y lover quelques minutes que l’on prolongera le plus possible pour que demeure, encore, un peu plus, le plaisir subtile, rare et délicieux, de la lecture d’un texte de Salah Stétié, unique baume apaisant dans notre bruit quotidien...

François Xavier

Salah Stétié, Dans le miroir des arbres, avec des dessins de Farhad Ostovani, Fata Morgana, mars 2011, 50 p. - 12 €

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