Jana Černá et le zèle du désir

Ce titre souligne à la fois la charge érotique du texte et la rébellion extraordinaire d’une femme face à l’ambiance étouffante en Tchécoslovaquie d’après-guerre. Probablement écrite en 1962, cette lettre est un véritable manifeste pour la liberté individuelle.

Sous un titre pétard – tiré d'un de ses poèmes – Jana Černá a publié ce livre en tant que lettre adressée à son amant marié Egon Bondy. Mais à travers cette intention, le livre devient – de la part d'une femme libre – un appel à leur propre désir sans forcément répondre à celui que l'amant espère :

Pas dans le cul aujourd’hui
j’ai mal
et puis j’aimerais d’abord discuter un peu avec toi
[...]
On peut supposer
que ce soit suffisant
pour baiser en direction de la stratosphère.

D'où cette autre injonction : Est-ce que je ne peux pas me coucher sur toi dans la jubilation d’une tendresse presque asexuée.
Toutefois le livre est là en tant que revendication de la libre jouissance qui pâtit néanmoins de l'absence par effet  de frustration :
Espérons pouvoir être bientôt ensemble, parce que le fait que tu végètes sous le toit conjugal ne sert vraiment à rien qu’à chatouiller ton sens des responsabilités, précise non sans ironie la poète.

Résolument libre, elle fait néanmoins passer son amant en premier, et s'efface : ce qui trahit une sorte de sous évaluation de son propre travail par rapport à celui de l'homme et donc de son identité.

Les pages-miroirs consacrées aux lettres de James Joyce à  Nora Barnacle restent les plus érotiques et intenses d'un livre où le féminisme est bien sûr est omniprésent mais où les ailes du désir ne sont pas totalement déployées.

Jean-Paul Gavard-Perret


Jana Černá, Pas dans le cul aujourd’hui, traduit du tchèque par Barbora Faure, préface d'Anna Rizzello, Contre Allée, Lille, août 2014, 8, 50€ / 4e impression

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