Les Mogin, un trio de choix

Haut les cœurs ! disais-tu. Norge, ô grand chêne ! Ton amitié s’est mêlée à ma vie.
Au XIXe, à côté des Bonheur, il y a les Flandrin, une trinité qui s’unit sous un nom unique. Les trois frères sont aussi doués l’un que l’autre, les prénoms vont les distinguer : Auguste (1804-1842), Hippolyte (1809-1864), Paul (1811-1902).
Il s'agit de Georges Mogin, alias Géo Norge 1898-1990, de sa bru Lucienne Desnoues, née Dietsch, 1921-2004, et de son fils Jean Mogin 1921-1986.
Nul doute que, non Georges Mogin lui-même, mais Norge le poète, fut un père spirituel pour le jeune couple, sans pour cela incarner un modèle à suivre au moment d'entrer, tous deux encore jeunes, en poésie.
Et à son décès, en 1990, c'est Lucienne qui, ayant tout d'un coup par là charge d'œuvre, entreprit d'établir avec soin et de faire publier Les hauts cris aux éditions Éoliennes, premier recueil posthume composé alors d'encore tout récents inédits.
Jean Mogin fut le premier du trio à "partir". Quatre ans avant son père, le 7 avril 1986, à soixante-six ans seulement, dix-huit avant sa chère Lucienne adorée qui s'en trouva anéantie, ne pouvant même plus, pour tout un temps, écrire un seul vers qui vaille, bloquée.
Drame familial, tragédie, dont Le stupéfait, l'ultime recueil publié du vivant de Norge, en 1988 – deux ans avant son décès – porte le stigmate ouvert dès le titre ; tandis que Dans l'éclair d'une truite, celui-là chef-d'œuvre de Lucienne, publié au Manoir de Pron, chez Gérard Oberlé, en est directement et totalement inspiré pour tenter d'en surmonter, en authentique et puissant guerrier spirituel qu'elle était, l'irréductible blessure à tout jamais restée à vif en elle, profondément.
Maintenant, qui écrira une biographie de Norge ? me demandai-je en d'autres temps. Et je me souviens qu'à ce propos Lucienne m'avait confié – avec de graves sous-entendus – que seuls Jean et elle savaient vraiment qui il était. Sans jamais plus m'en dire davantage, parfaite discrétion de sa part qui l'honore.
Puis, quelques années plus tard encore, j'espérai davantage, et espère toujours : Qui composera un Pour saluer Desnoues ?, renchérissant finalement de la sorte dans une page d'échange épistolaire en commentaire à ce sujet : Mais le nec plus ultra ne serait-il pas - double, que dis-je, triple ! et alors très unique aussi en cela - que paraisse un Pour saluer les Mogin, dans lequel Norge trouverait, de droit, la place centrale qui lui revient entre sa bru Lucienne et son fils Jean ; parce que, entre nous, quel trio de choix ; oui, sans doute de qualité unique dans toute l'histoire de la poésie française ! Qui l'écrira, aujourd'hui, ce "triptyque" ?
André Lombard
Daniel Laroche, Une chanson bonne à mâcher. Vie et œuvre de Norge, préface de Pierre Piret, Presses Universitaires de Louvain, 2019, 266 p.-, 21,50 €
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