Françoise Frenkel au-delà de la douleur

Après un premier livre paru à Genève, en 1945, et longtemps demeuré discret, avant sa réédition par Gallimard en 2015, un cousin de Françoise Frenkel (1889-1975) découvre un vieux carton contenant les archives de l’auteure. Un ensemble disparate qui mêle tapuscrits en français et en allemand de formes très différentes (nouvelles, souvenirs, portraits, poèmes) qui va donner naissance à ce recueil, Zone de la douleur. On y découvre ses débuts littéraires à travers d’anciens textes publiés en revue, mais on ressent également toute la difficulté d’une femme à reprendre sa vie professionnelle (elle était libraire à Berlin avant la guerre) dans une France encore à genoux…
Juive d’origine polonaise, Françoise Frenkel a perdu toute sa famille si bien que le sentiment d’une perte immense est au centre de tous ses écrits postérieurs à 1945. On peut les aborder à travers trois prismes : les souvenirs d’un monde disparu ; la douleur d’être encore en vie ; et la culpabilité qui l’accompagne. Filtre donc à travers ces lignes une conscience historique de ce que représente l’extermination des Juifs, une position somme toute assez peu fréquente à cette époque. Elle en témoignera en privé comme en public, chaque fois qu’une occasion se présentera afin que la tentation d’effacer le souvenir ne puisse aboutir ; et cela même au sein de sa communauté.

Contre l’oubli, elle s’obstinera pendant des années à vouloir faire rééditer Rien où poser sa tête sans y parvenir mais sans jamais renoncer pour autant à l’écriture, toujours habitée par un projet de livre, comme en témoignent ses lettres et les textes retrouvés.
En annexe à ce recueil émouvant, quatre lettres inédites à Maurice Marois ainsi que le témoignage de son cousin qui évoque sa découverte du carton oublié.
À signaler la parution simultanée de la biographie de Corine Defrance, Françoise Frenkel : portrait d’une inconnue, chez le même éditeur.

Annabelle Hautecontre

Françoise Frenkel, Zone de la douleur, traduit de l’allemand par Olivier Le Lay, L’arbalète, octobre 2022, 290 p.-, 19,50 €

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