Gérard Foucher, Les secrets de la monnaie : La malice d'un système

"Pourquoi avons-nous toujours l’impression de manquer d’argent ?" interroge Gérard Foucher, ancien chef de projet chez Havas devenu metteur en scène de théâtre.

Après avoir, dans son essai (sous-titré « Changer la monnaie pour changer le monde ») défini la monnaie  en vigueur (de la dette !), la valeur (celle qui se négocie le plus  entre humains est le temps de vie individuel, si rare et précieux…) et l’échange (pourquoi le chômage augmente quand la monnaie se raréfie ?), après avoir résumé le modèle bancaire (« c’est, en gros, de louer des chiffres et d’en demander le double en retour »), il propose une alternative à un système où « produire de la monnaie est devenu aussi facile que de taper des chiffres sur un clavier » avec les dégâts « collatéraux » que chacun pourra constater à sa guise…

D’abord, le constat clinique : « Dès lors que l’on établit un système économique où l’emprunt devient obligatoire pour compenser le manque de monnaie, on se lance dans un processus qui tend à appauvrir indéfiniment ceux qui empruntent de la monnaie au profit de ceux qui en possèdent. »


Mais la monnaie n’est pas à confondre avec la richesse : « La richesse, c’est ce qui est créé quand quelqu’un utilise son temps, ses compétences et des ressources pour produire quelque chose. La monnaie, c’est un protocole d’échange, un code résultant d’un accord social, afin que les richesses puissent être mesurées et échangées entre les individus qui les produisent (…). La fonction de la monnaie, c’est de permettre à chacun d’échanger ce qu’il produit (son travail, son art, son artisanat, ses marchandises, bref, le temps qu’il passe et les ressources qu’il utilise pour produire quelque chose) contre ce que les autres produisent. ».

Dans le système « en vigueur », instable et auto-prédateur « à souhait » ( ?), il y a, en somme,  ceux qui travaillent pour gagner leur vie et il y a ceux qui font travailler leur argent...

Or, « l’argent est créé par le crédit, à chaque fois que quelqu’un s’endette ». Il se trouve qu’il y a toujours plus de dette que de monnaie... Le sauvetage des banques a consumé toutes les réserves disponibles et le spectre de la faillite généralisée plane – la métaphore médicale s’impose pour décrire le caractère tumoral de cette organisation systémique qui a irrémédiablement altéré la santé du corps social.

Certes, « il devrait être impossible d’accorder un prêt si le montant du prêt n’existe pas sous forme d’épargne au préalable » mais il en a été fait ainsi et toute réforme monétaire à venir devrait tenir compte de cette évidence... Mais qui en convaincre, compte tenu de la « sphère d’irréalité » où nous sommes coincés ? Et d’abord, comment conjurer le prochain « risque systémique » imminent ?

En plaidant pour une « nouvelle monnaie libre de dette » de nature à revitaliser le corps social, Gérard Foucher ouvre un horizon d’espérance qui passe par le plein exercice enfin de notre responsabilité : « Nous sommes tous endettés parce que nous autorisons que notre monnaie soit créée par la dette. La réponse à notre dépendance à la dette n’est donc pas certainement pas d’essayer de relancer la demande de crédit ! ». Qui appuiera sur la touche « arrêt » de la machine à fabriquer de la dette ? Quelle réalité humaine bien comprise et bien négociée sera à même d’en faire repartir une autre ? Une machine, cette fois-ci, à créer de la richesse mise au service du « bien commun » ?


Michel Loetscher


Gérard Foucher, Les secrets de la monnaie, éditions Yves Michel, juin 2013, 312 p., 18 €


Paru dans les Affiches-Moniteur

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