Les "Amazones de la terreur"

Cette étude de genre s’attaque aux femmes terroristes de années 79-87 en Europe à travers les articles de journaux comme, principalement, Le Figaro et Paris-Match, ou encore France-Soir, Libération, Le Monde. Il n’est pas étonnant que le quotidien qui a usurpé la citation de Beaumarchais se montre le plus virulent, voire putassier. L’auteur ne mentionne pas qu’en France, sous Giscard d’Estaing, amorcée par Pompidou et abolie par Mitterrand en 81,  sévit la loi anti-casseurs, laquelle  permet de museler toute opposition radicale comme La Cause du Peuple.

 

Cette étude, fort édifiante par ses citations et commentaires, s’en tient donc à l’image de la femme dans les médias qui prétendraient refléter l’opinion publique qu’en fait, elles façonnent. Les feux de l’actualité se braquent surtout sur Joëlle Aubron et Nathalie Ménigon pour le groupe Action Directe, en France, et Gundrun Ensslin et Ulrike Meinhof pour la Bande à Baader, en RFA. Durant leur traque, leurs portraits sont placardés dans tous les lieux publics avant de figurer à la une de tous les journaux à leur arrestation.

 

Comme le pedigree et les actions de ces femmes dérangent et qu’elles n’hésitent pas à tuer de sang froid des représentants symboliques de l’Ordre établi, il va falloir les diaboliser pour les marginaliser davantage sur la scène politique. Cette opération caricaturale se fera d’abord  par catégories sociales selon des modes d’analyse différents :  pour celles issues d’un milieu grand bourgeois, on fera appel à une explication psychologique voire psychanalytique de magazine féminin en avançant qu’elles ont manqué d’image paternelle forte à laquelle elles se substituent. Pour d’autres issues de milieu populaire, on se rendra à cette évidence de rubrique des cœurs selon laquelle, faibles de caractère et peu cultivées,  elles se sont forcément laissées entraîner et passeront ainsi pour des victimes. D’ailleurs elles écoperont des plus légères peines et même, parfois, obtiendront un sursis.

 

Les femmes, considérées comme chefs, usurpant une fonction proprement masculine sont pour la presse à sensations les « Amazones de la terreur ». Contant leur arrestation et leur procès, les journalistes les présentent comme « les plus teigneuses et arrogantes » même par rapport à leurs compagnons. Les tueuses tuent un tabou féminin : elles se comportent comme des hommes à la puissance X et, de ce fait,  elles sont considérées tour à tour comme des « furies, des sorcières, des pétroleuses et enfin des amazones » qui excluent tout mâle de leur communauté. N’oublions pas que c’est l’époque de mouvements féministes radicaux.

 

Cette étude montre, par ses citations et références, une rigueur historique, sociologique et psychologique qui met à mal (mâle ?) toutes les représentations stéréotypées de la femme. Et elles ont la peau dure – aussi dure que le machisme des plumitifs de l’actualité.


 Patrick Mouze

 

Fanny Bugnon, Les  Amazones de la terreur,  Payot, 230 p, 21 €.

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