Deux ou trois leçons de snobisme de Éric Neuhoff : Nostalgie, quand tu nous tiens !

Qu’est-ce que le snobisme ? Pas forcément un cocktail au Ritz, la nouvelle galerie d’art à découvrir, l’engouement pour tel ou tel écrivaillon à la mode. Éric Neuhoff, romancier et habitué du Masque et la Plume, le place plutôt du côté de Sagan et de Nimier, des films de Sautet et de Maurice Ronet, du Cap ferret et des cannelés, des Fiat 500 sur le pont Alexandre III.

 

Ce chef de file des néo-hussards a eu la bonne idée de rassembler dans un ouvrage ses chroniques si parisiennes publiées dans le Figaro Magazine et nous invite à une flânerie dans un monde aujourd’hui disparu. Celui de l’inoubliable Gene Tierney, des Parisiennes à la Kiraz, de la villa Malaparte à Capri, du tramway rouge d’Istanbul. Une ballade sentimentale : admirer le beau visage de Sophie Barjac (si vous ne savez pas qui elle est, vous êtes trop jeune !), relire la prose d’Emmanuel Berl, prendre un verre à la Rhumerie Boulevard Saint-Germain.

 

Le lauréat de l’Interallié pour La Petite Française en profite pour égratigner notre époque et ses vulgarités : les femmes qui gardent leur téléphone sur la table à déjeuner, ce monde « où l’autre est une gêne », les bistrots qui se la jouent branché et minimalistes, les indélicats qui revendent leurs cadeaux à Noël, la guerre contre le foie gras et la corrida. Tout le monde en prend pour son grade, « les chauves qui ont disparu au profit des crânes rasés », le cinéma qui exploite sans remords le moindre fait divers, « la rentrée littéraire, ce drame français », les expressions horribles comme le fameux « vivre-ensemble » ou l’improbable « candidater ».

 

Neuhoff a l’élégance vissée au corps et au stylo, le sens des formules-chocs ; « il fut un temps ou les voitures avaient de la personnalité » ou « Monaco est un parc à thème, » ou encore « Le champagne ? Des vacances dans un flacon ». Bref vous l’aurez compris, Neuhoff signe ici avec tendresse et talent une ode aux choses perdues, à la nostalgie des années pompidoliennes, à cette France sans doute plus simple, moins torturée et dépressive, et nous invite à profiter de tout. « Le bonheur s’attrape au lasso », écrit-il. Mieux que tous les manuels de développement personnel, deux ou trois leçons de snobisme nous prend par la main pour ne plus nous lâcher.

 

Ariane Bois

 

Éric Neuhoff, Deux ou trois leçons de snobisme, Écriture, 183 pages, 18 € 

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