Pas de défaite pour l'esprit libre : la vision d'un citoyen du monde

Dans Histoire d’un européen, paru en 1943, Stephan Zweig affirme : Né dans un grand et puissant empire, il m’a fallu le quitter comme un criminel. Mon œuvre littéraire dans sa langue originelle a été réduite en cendres. Etranger partout, l’Europe est perdue pour moi. J’ai été le témoin de la plus effroyable défaite de la raison. Cette pestilence des pestilences, le nationalisme, a empoisonné la fleur de notre culture européenne.

En quelques phrases, toute l’existence de l’auteur est résumée : né en 1881 ce brillant écrivain globe-trotter, pacifiste, humaniste, européen convaincu a assisté en deux générations à l’écroulement de la culture et de l’esprit pour assister au chaos du nazisme.
Visionnaire, il avait dès 1933 compris que la place des hommes libres, et surtout des Juifs n’était plus en Europe et avait fui à Londres et en Amérique latine, où il se donna la mort en 1942.

Souvent associé à la douceur de vivre de la Mitteleuropa d’avant 1914, Stefan Zweig avait dans ses romans puissants, désespérés : Amok, La pitié dangereuse, l’Ivresse de la métamorphose, décrit la face noire de l’humanité sous une apparence brillante.

Ce Journaliste engagé,  lucide, clairvoyant avait compris bien avant ses contemporains ce que la Grande guerre allait détruire  à tout jamais : le monde de plusieurs centaines de millions d’européens.

En 1940, dans une allocution à Radio-Paris il affirme ce qu’il avait pressenti depuis si longtemps : Vous savez tous comment la tragédie a commencé. Ce fut quand surgit en Allemagne le national-socialisme dont la devise fut dès le premier jour : étouffer. Etouffer toutes les voix, sauf une. Annihiler tout expression de la parole libre, sous quelque forme que ce soit : artistique, littéraire, journalistique, jusque dans la plus simple conversation. Neutraliser, éradiquer, pulvériser toute liberté d’expression.

Ce texte, Le grand silence, aussi poignant que glaçant, permet parmi bien d’autres de redécouvrir l’homme engagé, à mille lieues de l’image d’esthète parfois accolée à son personnage. Un citoyen du monde  qui n’eut de cesse de lutter contre le nazisme. 

Brigit Bontour

 

Stefan Zweig, Pas de défaite pour l’esprit libre - écrits politiques inédits, 1911-1942, préface de  Laurent Sekzik, Albin Michel, janvier 2020, 350p.-,  22,90 euros

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