Ces chemins qui élargissent le monde

Depuis des années, le narrateur arpente les mêmes sentiers, s’arrête au bord des mêmes rivières. Il connaît par cœur les chemins creux et ses habitants petits ou grands : Où que je tourne mon regard, quelque-chose m’appelle et me retient, fût-il infime. Il s’émerveille inlassablement des élytres des hannetons tout comme de la majesté blessée de l’arbre tombé à terre. Il avait quarante ans ou peut-être trois siècles, qu’importe.
Les escargots qui rongent son courrier sont de curieux postiers, les cygnes qui glissent sur le lac de merveilleux hydravions. Les carpes et les affreux silures, les vaches aux regards si doux, les oiseaux aux sensibles inflexions l’accompagnent dans son lointain voyage autour de chez lui…

Un seul pas en forêt efface les larmes, affirme le promeneur, botaniste, entomologiste, rêveur. Chaque incursion dans la nature est une épiphanie poétique. Au sujet des roses qui l’ont toujours accompagné puisque né à Provins, la ville où un chevalier de retour des croisades en rapporta un plant, il note : Elles trembleront dans la lumière, s’élanceront à l’assaut du ciel et prendront ses reflets ; certaines se seront allégées des premiers pétales portés par le vent. La mort, déjà à la tâche.

Parfois, plus rarement il rencontre des hommes, comme ces deux laissés pour compte dont l’usine jadis ferma et qui habitent dans une sorte de grotte. Ou encore ce reclus qui se cache dans une masure entourée d’un jardin parfaitement entretenu, aux buis et aux yuccas impeccablement taillés. II y a aussi ce colonel qui lui narre l’horreur de sa découverte du camp de Buchenwald, avec cet abat-jour en peau d’homme tatoué. Folies de l’homme, sagesse de la nature.

Jamais elle ne fut aussi présente dans les débats qu’aujourd’hui, pour des raisons discutables : que ce soit pour la détruire à coup de ronds-points, d’éoliennes ou au contraire, la vénérer comme un paradis pour citadins confinés, en mal d’espace.
Franck Maubert, lui, romancier et essayiste rétablit tout au long de ses dix-sept histoires, sa vérité éternelle : une réalité aussi simple que belle : Celle des chemins qui n’appartiennent à personne, juste à ceux qui l’empruntent, de ces chemins qui  élargissent le monde.

 

Brigit Bontour

Franck Maubert, Histoires naturelles, Le Mercure de France, 153 p.- ; 14,5 €
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