une biographie de Mishima par Jennifer Lesieur


Mishima. Voilà une figure qui n’a pas fini de fasciner les amoureux de la littérature. Et au premier chef les Japonais, pour lesquels l’auteur reste toujours à l’heure actuelle un personnage sulfureux, un intellectuel tendancieux, un artiste dont il faut aborder les œuvres avec précaution. La jeune journaliste Jennifer Lesieur s’est lancé un défi : décortiquer pour le public français cet individu complexe et son œuvre, analyser chacune de ses facettes, de sa naissance en 1925 à son spectaculaire suicide en 1970. 


Passant en revue son évolution personnelle et celle de son style littéraire, Jennifer Lesieur dresse un portrait à la fois fascinant et édifiant de celui qui, avant de devenir Mishima, n’était que Hiraoka Kimitake, un Japonais frêle issu de la classe moyenne. Très vite pourtant, on comprend que le petit Kimitake n’évoluerait pas comme un garçon « normal ». Elevé en grande partie par une grand-mère folle qui le séquestre littéralement dans sa chambre, Mishima va rapidement développer une tendance à porter un masque en société. Ou plutôt des masques. 

Page après page, on suit l’évolution de cet être timide, austère, complexé par son physique et perturbé par son homosexualité. Obnubilé par la mort, passionné par les destinées héroïques, Mishima va décider de changer tout son être alors même que son succès littéraire est d’une fulgurance sans précédent. Il devient rapidement, aux yeux des Japonais, un grand excentrique. Malgré un train de vie austère, excessivement rigide, réglé comme du papier à musique entre ses quotidiennes séances de bodybuilding, de kendo et ses nuits passées à écrire, Mishima est connu pour ses frasques, pour son attitude toujours fantasque. 

Et pourtant, ce qui se dégage du livre de Lesieur, c’est la capacité de l’écrivain à fuir. Il fuit son physique en se musclant à outrance. Il fuit le public nippon dès lors que les ventes de ses livres baissent un tant soit peu et décide de chercher le vrai succès à l’étranger. Il fuit son homosexualité en tenant à la maintenir cachée aux yeux de la société. Enfin, il fuit son pays dont l’évolution ne lui plaît guère en s’engageant dans un mouvement politique rétrograde qui l’amènera à faire un simulacre de coup d’état qu’il sait pertinemment être voué à l’échec. Avant de se suicider…

L’exutoire de Mishima, c’est évidemment l’écriture. Pas seulement ! Il y a évidemment le sport qui le rassure, les mondanités qui lui fournissent sa dose d’admiration publique… Mais l’écriture reste le centre de sa vie. Lesieur décrit avec habileté l’évolution du style littéraire de l’écrivain en fonction de ses changements d’attitude face à la vie. Lorsqu’arrive le moment de la rédaction du monument La Mer de la Fertilité, on sait que Mishima arrive là au bout de son processus intérieur. 

Si on déplore certains passages où Lesieur s’évertue à faire le résumé de toutes les livres de Mishima, on doit bien admettre qu’elle a relevé le défi qu’elle s’était lancé avec un certain brio, rendant l’œuvre du Japonais à la fois plus abordable et compréhensible pour le grand public. 


Matthieu Buge 

Mishima de Jennifer Lesieur, Gallimard Folio "Biographies", mai 2011, 288 pages, 7,30 €

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