"Supplices, tortures et mises à mort variés"

Que voilà une bien réjouissante chose ! Les récits de mise à mort ont toujours eu un grand pouvoir d'attraction. Ceux qui nous sont présentés ici, colligés dans la presse populaire du XIXe siècle, s'ils ne tombent pas dans le détail sordide mais jubilatoire des descriptions de la torture sous ses divers aspects (1), ont en commun d'être l'expression de la mort légale. Le terme de « supplice » dans le titre est un attrape-pervers, car il n'est jamais question ici que de choses bien sérieuses et bien propres, c'est-à-dire... morales.

L'exécution en place publique a de nombreuses vertus, n'en déplaise à ses détracteurs. Elle apaise le peuple, le divertit, lui montre le sort réservé aux affreux et crée, enfin, une unité populaire. Les récits d'exécution ont, de fait, les mêmes attraits et fonctions : divertir (en portant l'exotisme à la portée de tous, fonction toujours actuelle du reportage), éduquer et avertir. Plus que l'acte en lui-même, qui est souvent réduit à la portion congrue du récit, la scénographie de la mise à mort est ce que l'on retient de ces textes de presse, parce qu'ils manifestent tous une manière d'urgence dans l'acte à se débarraser de la victime. Les pendaisons dans le Far-West, quand le jury se compose tout seul et dans la rue, les décapitations en Allemagne, etc.,  tout est exemplaire, tout est fait pour qu'un valeur morale soit transmise.

Comble du texte engagé contre la peine de mort, le long récit d'une préparation d'un comdamné dont, semble-t-il, le journaliste auteur du portrait veut se servir pour illustrer l'infamie de la mise à mort. Quelques années avant le grand défenseur des valeurs de l'humanisme Victor Hugo formait la trame de son magnifique roman Le Dernier jour d'un comdané dans l'espoir d'attendrir le législateur, peut-être pas, mais de porter la question, plus sûrement. Voilà donc un matériau humain de première tenue, des témoignages et découvertes qui replacent le débat de la peine de mort quand, dans les pays « évolués », il commençait d'être question de son abolition. 

Si le voyage en Chine — étape obligée des supplices — laisse la porte fermée à notre voyeurisme (la barbarie n'est qu'une série de décapitations à la chaîne), les routes des cadavres au Bénin nous offrent un tableau plus divertissant. Làs, l'accumulation de cadavres est là, le nombre compte, mais de mise à mort proprement dite, rien. Les seuls détaillent sont pour les morts occidentales, et encore l'intérêt réside plus dans la psychologie des personnages que dans l'acte en lui-même : du bandit qui se repent, du Communard qui regarde la mort dans les yeux, du cowboy qui refuse l'assistance de ses affidés, etc., en un mot, le long couperet de la Justice des hommes, du sort que les Hommes se réservent légalement les uns aux autres. 

Loïc Di Stefano

(1) Pour les exaltés, lire absolument Le Jardin des supplices d'Octave Mirbeau, un doux régal servit en Folio classique. Voir également la très belle thèse de Christine Marcandier-Colard, Crimes de sang et scènes capitales : essai sur l'esthétique romantique de la violence (PUF, « Perspectives critiques », 1998).


V.-P. Angouillant, Supplices, tortures et mises à mort variés, Jean-Claude Gawsewitch, "extraits de récits de voyages du XIXe siècle", II, mars 2005, 125 pages, 12 € 


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