Jean-Robert Pitte nous convie "A la table des Dieux"

Quand on se nourrit, on ne se contente pas d'apporter à notre corps les éléments essentiels à sa survie, on commet un acte civilisé. On pourrait résumer le livre de cette manière. A la table des civilisations, voilà le titre qui lui aurait peut-être mieux convenu. Un titre nettement moins vendeur, certes. Et ce serait pinailler, car derrière chaque grande civilisation se cache ou ne se cache pas une transcendance qui lui a permis de se constituer et de se développer. Dieu était là avant le politique.

Les sacrifices animal ou végétal sont des constantes, quelle que soit la latitude sous laquelle on se trouve. Certaines denrées rassemblent les peuples, d'autres les séparent. On consomme partout des céréales. L'auteur établit des constantes, révèle les différences et les particularités de chacune des civilisations évoquées.

Si le livre est bien écrit, son style efficace, c'est cependant une gageure – le mot est faible – de résumer en quatre pages plusieurs millénaires à la table des Empereurs de Chine ! Il fallait rédiger un livre œcuménique, et on ne pouvait pas faire l'impasse sur la dynastie des Zhou. Alors, on en reste à l'anecdote : on apprend qu'à l'époque des Qing, une centaine de plats sont servis lors du repas de l'Empereur. On est surpris d'apprendre qu'Israël est l'un des premiers producteurs de foie gras au monde. On se met à table avec les Pharaons, etc. On voyage dans le temps et l'espace à la vitesse de la cuisson de l'œuf à la coque. On ne s'ennuie pas, mais on reste sur sa faim : les vingt-cinq amuse-gueule de cinq ou six pages – des petites pages, en caractère assez gros avec un interligne important – qui nous sont servi sont bien légers. Et encore, cela comprend la recette qui conclut chaque chapitre. Des recettes très originales ou très basiques, rédigées un peu rapidement. On ne nous donne jamais ou presque la température ou le temps de cuisson.

Quand on aborde un livre, il faut toujours se demander ce qui a rendu impératif sa parution, si sa parution l'était vraiment. On ne veut pas accabler l'auteur. Car les textes sont brillants et il est très fort pour se sortir avec brio de l'exercice imposé certainement par l'éditeur, même si on ne peut s'empêcher de penser que le grand érudit gastronome qu'est Jean-Robert Pitte gâche ici un peu son talent. L'éditeur a certainement pensé que, puisque la mode était au « digest », ce serait un comble que la nourriture ne le soit pas. Le mauvais jeu de mots mis à part, c'est un livre dont on retiendra quelques anecdotes, l'érudition et quelques recettes que l'on essayera.

Un livre qui permettra à d'autres de briller dans les dîners en ville où l'on ne s'attarde pas plus de trois ou quatre minutes sur un sujet pour ne pas passer pour un fâcheux.

Philippe Menestret


Jean-Robert Pitte, A la table des Dieux, Fayard, 238 pages, Février 2009, 22 € 


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