"Fragments (un peu roussis)", un inédit de George Steiner en forme de testament

Près de 14 euros, réfléchissez, c’est le prix d’un scotch-Perrier dans un établissement distingué. Certes, par les temps qui courent… Pourtant, pour le même prix vous aurez la compagnie d’un des penseurs vivants qui n’ait ni libéré la France ni inventé le café au lait, qui ne compte pas de président ni d’assassin parmi ses amis, et qui n’étale pas ses déboires sexuels devant qui veut l’entendre. C’est George Steiner.

 

L’objet de ces pages ressemble à l’une de ces fictions qu’affectionnait Borgès : la découverte de rouleaux roussis dans les ruines d’Herculanum, attribués par quelques spécialistes à un auteur obscur, Épicharne d’Agra. Et Steiner est lancé, élégant, érudit, mais jamais pesant et souvent poétique. Qu’est-ce que l’éclair ? La révélation de la nuit. Par quelle alchimie l’amitié éteint-elle la sexualité ? Parce qu’elle est noble. Et le Mal, est-il inscrit en nous ? Hélas. « Chante l’argent », prescrit Épicharne. Qu’est-ce à dire ? C’est un concentré de temps. Et l’on arrive au terme : le droit à la mort digne. Steiner ne se doutait pas qu’il rejoindrait sur ce point un certain François Hollande. L’heure est passée : convenez que vous ne vous êtes pas ennuyé.

 

Gerald Messadié

 

George Steiner, Fragments (un peu roussis), traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat, éditions Pierre-Guillaume de Roux, mai 2012, 96 p., 13,90 €

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