La marine belge pendant la Grande Guerre

Au-delà des paysages de l’Yser et de ses tranchées où rôdait en permanence la mort, la Belgique, envahie le 4 août 1914 au matin par les troupes allemandes, a combattu entre 1914 et 1918 sur un autre horizon, la mer. Elle ouvrait ainsi et avait à défendre un second front, sans les boues et les charges de cavalerie mais tout aussi terrible, avec ses tempêtes, ses brumes et ses torpilles. Pour les marins affectés à bord des navires, régnaient les mêmes angoisses, s’imposaient les mêmes veilles de nuit, survenaient les mêmes luttes mortelles que pour les fantassins combattant à terre. Différente, complexe, la stratégie navale a exigé des attitudes aussi exemplaires et unies dans un seul but, que la conduite des opérations au sol.

 

Peu d’ouvrages avaient jusqu’à présent relaté ces faits d’armes, laissant par conséquent dans un oubli relatif cette page d’histoire que ce valeureux pays a signée du sang de nombreux de ses fils. Regroupant tous les documents disponibles, beaucoup étant dispersés et non exploités, cherchant des sources nouvelles, les comparant entre elles et prenant le recul nécessaire à une vision globale, l’auteur a mené une véritable enquête permettant d’avoir une analyse aussi complète que possible sur cette période où la nation s’est engagée toute entière derrière le roi Albert et son gouvernement. On évalue à plus d’un demi millier les marins qui ont, selon l’expression, « fait leur trou dans la salée ». Comme à terre l’armée, la marine se distingua par une bravoure sans faille, que ce soit à bord des fameuses malles qui reliaient la Belgique à l’Angleterre, leurs coques repeintes pour l’occasion en tenue de camouflage, des « trémailleurs » ostendais, des chalutiers qui furent équipés de canons comme le « 75 de guerre » ou des dragueurs, chargés de la détection et de la neutralisation des redoutables mines « vagabondes ». Les cinq ports belges, avec en premier Anvers, permirent à la flotte d’effectuer aux côtés des Alliés ses multiples missions. Navire-hôpital, bâtiment-école, cargos pour le transport de troupes ou de charbon, liners reconvertis, torpilleurs et autres vaisseaux alloués ou attribués, voiliers marchands jusqu’à la simple barque de pêche, seul ou en convois, tous les effectifs et les navires de la marine belge ont participé selon leurs moyens à cette rude bataille de la mer, avec pour objectif la victoire.

 

La première partie de l’ouvrage relate les événements qui se sont succédé au cours de la guerre, explique l’organisation des services impliqués, notamment ceux des Annexes flottantes, rend compte des actions héroïques des marins pris dans la tourmente. On note également le rôle important joué dans le conflit par la colonie belge du Congo. La seconde partie concerne l’ensemble des données techniques des navires et les statistiques en matière de tonnages, de convoyage, d’armements. La liste des bateaux de pêche coulés par les U-Boot pendant ces quatre années montre à quel point le tribut payé par la Belgique a été lourd. Parmi les photos d’archives, il faut signaler celles du prestigieux navire-école L’Avenir, le quatre-mâts qui forma les cadets. Certaines illustrations accordent leur juste valeur aux combats, comme cette coque trouée par une torpille ou ce navire, touché, qui disparaît dans l’océan. Elles rappellent les moments les plus durs de l’occupation allemande, comme ces navires ennemis abrités à Bruges.   

 

Journaliste, photographe et navigateur féru d’histoire maritime, l’auteur a longtemps et beaucoup travaillé pour réunir toutes ces informations. Tous ceux qui s’intéressent à la Belgique et à la Grande Guerre mais au-delà, aux choses de la mer, liront ces pages avec profit et intérêt.

 

Dominique Vergnon

 

Freddy Philips, 14-18 en Mer, Navires et marins belges pendant la Grande Guerre, Edition Racine, 176 pages, 21x26 cm, plus de 110 illustrations, janvier 2013, 29,99 euros.     

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