Les irrécusables altérités de Véronique Bergen

Véronique Bergen franchi la frontière de l’intime : c’est ce qui touche à notre plaisir, à notre jouissance et, en conséquence, à nos possibilités d’angoisse puisque nos certitudes se voient interpellées par cette traversée de féminine engeance par le corps le plus « glorieux » de ses représentantes : la top-modèle. Comme dans chacun de ses livres celui-ci provoque donc cette traversée vitale par où, par le mystère de la représentation s’engendre si mal par effet de genre. Et si de fait trop souvent l’écriture n’offre pas le saut espéré, si elle n’est un leurre, un miroir aux alouettes dans sa feinte de proximité ici la différence recherchée ne se perd pas dans les méandres des images toutes faites et des pensées admise. Dans cet essai l’auteur engage un chemin de  reconnaissance « au milieu des méandres et des chassés-croisés du désir ». C’est grâce à  l’apparition de celle qui est considérée comme ange et démon – bref qui est déréalisée -  que son « enfui »  que est replongé au cœur de la maison de son être.

 

Véronique Bergen pulvérise ainsi l’apparence et réduit tout cliché en miette. Il n’existe pas de poudre aux yeux mais l’approche d’une certaine violence en sa crudité. L’auteur ne cherche pas pour autant à faire de « l’instantané » :   tout est recomposé pour donner aux gestes  du corps et de l’esprit plus de force – car c’est un autre leurre de l’écriture que de faire croire que la prise sur le vif a valeur de fracture. Or le secret ne se laisse pas si facilement saisir. Son « point » ne se résout pas dans l’éclatement d’un instant volé sur le vif comme le fait la photographie de mode et les romans adéquats.

 

Traquant le mystère de l’être et ses envoûtements subis Véronique Bergen tisse ainsi une trame où « derrière l’image » apparaît quelque chose de plus intime. Ne s’y duplique pas du semblable, ne s’y offre plus un rituel de certitude programmée.  C’est pourquoi, le saut littéraire que l’auteur appelle de ses vœux doit engager au pas au-delà du même pour habiter l’enfoui, l’altérité et pour entamer une percée d’un secret sans retomber toujours dans les mêmes structures littéraires et photographiques dont l’objet est des contenter d’en préserver des invariances peu reluisantes sous effets de strass. 

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Véronique Bergen, Le corps glorieux de la top-modèle, Editions lignes, Fécamp, 2013, 14 €

 

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