Prisme du féminin, de François Solesmes : une ardente célébration de la femme

Les adeptes de la théorie du genre, ceux pour qui l’indifférenciation demeure un horizon indépassable, ceux-là devraient se plonger sans attendre dans le livre de François Solesmes. Peut-être (sans doute) leurs convictions en seraient-elles ébranlées. Non qu’il s’agisse ici d’un traité théorique. Ou militant. Les arguments de l’essayiste, qui est aussi poète à sa manière, sont d’une autre nature – et bien plus pertinents.

 

Son propos, montrer combien serait mortifère un monde unisexué, composé uniquement d’hommes ou de femmes. Mortifère et voué à l’extinction. Inconcevable. Pour la bonne raison que, malgré qu’en aient les machistes avérés ou les féministes les plus résolues, nous portons en nous les deux pôles. Ainsi les clichés les plus répandus, ceux qui, par exemple, décrèteraient les femmes incapables d’exercer certaines professions, sont-ils battus en brèche par l’expérience quotidienne. De la même façon, prétendre que l’intuition et la sensibilité sont l’apanage du sexe dit « faible » relève d’une vision schématique. Il existe des guerrières et des aventurières comme des hommes qui taquinent la muse ou se livrent à des travaux d’aiguille. J’ajouterai qu’il faut compter aussi, même s’ils sont rares, avec des hommes sages-femmes, si je puis ainsi m’exprimer…

 

En explorateur courageux, sinon téméraire, François Solesmes part donc à la recherche du « continent noir » dont parlait Freud. Non, encore une fois, armé de théories qui justifieraient ou infirmeraient celles qu’élabora en son temps l’inventeur de la psychanalyse, mais animé par le désir d’approcher au plus près le mystère du féminin. Conscient qu’il ne sera jamais complètement élucidé. Ce qui, en définitive, est heureux, puisque découlerait de ce dévoilement une  forme de similitude renvoyant au constat de départ et soulignant le caractère illusoire de cette ressemblance. Car l’homme et la femme sont fondamentalement différents et, par là, étrangers l’un à l’autre. De plus,  ajoute l’auteur avec un bon sens irréfutable, « On s’appauvrirait grandement à tenir la majorité des créatures pour semblables. » Une conclusion qui vaut pour d’autres domaines, mais qu’il vaut mieux ne pas développer ici, au risque de nous écarter de notre sujet.

 

La démarche pourrait sembler des plus hasardeuses. Thérèse d’Avila elle-même ne déclarait-elle pas « Nous ne sommes pas si faciles à connaître, nous autres femmes ! ». Sans doute les livres écrits par des femmes constituent-ils une approche utile. Ils ne sauraient pourtant prétendre épuiser la question. La spécificité de l’autre sexe, celui qui instille dans les rapports humains « diversité, gratuité, courtoisie et grâce », se perçoit plus nettement dans les expériences partagées avec le sexe opposé. Parmi elles, le désir et le plaisir amoureux. L’ambition et l’autorité. L’amour de la vie et les pouvoirs du mot. La solitude, la vieillesse.

 

Autant de situations dans lesquelles l’auteur cherche à repérer ce qui rend la femme irréductible. Une quête qui embrasse tous les domaines de la vie. Qui  suppose une réelle empathie, au sens premier du terme. La capacité de se glisser, autant que faire se peut, à la place de l’autre, seule façon de faire siens ses sensations et ses sentiments.

 

François Solesmes y parvient avec une grande subtilité. Son essai est un hymne à la Femme, ou plutôt aux femmes. Une célébration. A la fois vibrante, lyrique et pourtant empreinte de réalisme. Il sait observer avec un œil de poète, saisir toutes les correspondances que les femmes s’entendent à tisser et à entretenir avec l’univers entier. « Pour retenir ceux qu’elle aime, écrit-il, la femme conspire avec les meubles, les objets, les étoffes, les lumières : elle rend sensible le feu très doux qui émane du mot foyer. » C’est une facette du prisme – mais une facette seulement, et il en est bien d’autres que ce livre explore et dévoile, pour le plus grand plaisir du lecteur.

 

Jacques Aboucaya

 

François Solesmes, Prisme du féminin, Encre Marine, mai 2014, 202 p., 21 € 

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3 commentaires

ah....j'ai justement dans mes brouillons ma chronique  à terminer sur ce livre que j'ai fini il y a 8 jours. Je suis  plus réservée que vous sur ce texte, Jacques Aboucaya....mais il est vrai que je suis une femme et que j'y ai perçu aussi autre chose, un autre prisme...un peu déformant donc....et qui sans doute d'ailleurs a échappé à l'auteur. On pourra en discuter...

Bien volontiers, chère Anne Bert. Discutons-en. Il est tout à fait possible que certaines choses m'aient échappé et je suis tout prêt sinon à modifier, du moins à enrichir ma vision...

ohla, certainement pas modifier Jacques ! Votre retour de lecture reste le vôtre. Plutôt le confronter avec le mien. Je publierai ma chronique ce week-end puisque j'avais demandé le SP,  et je reviens vers vous après, promis.