Un crime d'Etat sous l'Empire, Napoléon face à l'Allemagne

 

Michel Kerautret s’est distingué en publiant une Histoire de la Prusse en 2005 au Seuil et en compilant les Grands traités du consulat et de l’Empire pour le compte des éditions Nouveau monde, en partenariat avec la Fondation Napoléon. Les étudiants le connaissent aussi grâce à son livre sur les aspects extérieurs de la France Napoléonienne, écrit avec le regretté Roger Dufraisse. Kerautret est à la fois un spécialiste de l’espace germanique et de la période napoléonienne (dans la lignée d’un Marcel Dunan), ce qui le conduit aujourd’hui naturellement à nous donner une synthèse sur l’affaire Palm, obscur libraire de Nuremberg, fusillé en 1806…

 

Un libraire fusillé par les français

 

Michel Kerautret nous restitue le contexte d’une Allemagne morcelée, divisée entre d’un côté Autriche et Prusse, avec des petits États sous influence française à un moment où le vieux saint empire romain germanique disparaît dans une indifférence semble-t-il générale. Des pamphlets antifrançais circulent dont un, L’Allemagne dans son profond abaissement, frappe les autorités françaises par la virulence de son ton. Sous la direction de Berthier, les français retrouvent le libraire qui l’a édité, Johann Philipp Palm. On le fait passer en jugement et le pauvre homme est condamné à mort, pour faire un exemple selon les instructions de Napoléon lui-même.

 

Son exécution frappe l’opinion cultivée et est utilisée par tous les propagandistes « nationalistes » pour pousser les allemands à la révolte. Après la victoire contre Napoléon, Le personnage de Palm comme icône de la résistance aux français sera récupérée, y compris par Hitler, et sa maison, transformée en musée, est toujours visitable aujourd’hui. La figure d’un Palm « innocent », comme le démontre Kerautret, relève en partie du mythe car il était parfaitement au courant de la teneur du pamphlet qu’il éditait, contrairement à ce qu’il a déclaré à ses juges. De plus, en faire un martyr de la liberté de la presse (un prix Palm a existé en Allemagne) relève du pur anachronisme.

 

Napoléon, un des fondateurs de l’Allemagne ?

 

L’affaire Palm a contribué à la légende noire de Napoléon en Allemagne, occultant en partie une œuvre au final très positive. L’Empereur français, par le recès de 1803, a procédé au remodelage de la carte de l’Allemagne, partagée en plus de 150 états sous la férule d’un souverain élu et plutôt faible. Des royaumes comme la Prusse ou la Bavière ont largement profité de ce travail qui installait la France en position d’arbitre, ce qu’elle était déjà depuis les traités de Westphalie de 1648. On peut bien sûr regretter la décision de faire un exemple en faisant fusiller Palm et il est probable que, présent sur les lieux, le petit caporal l’aurait gracié… Michel Kerautret nous livre en tout cas une synthèse claire, courte, avec en prime la traduction de L’Allemagne dans son profond abaissement, un sommet de la littérature antifrançaise de l’époque… A découvrir.

 

Sylvain Bonnet

 

Michel Kerautret, Un crime d’État sous l’Empire : l’affaire Palm, Vendémiaire éditions collection « bibliothèque du XIXième siècle », août 2016, 228 pages, 18 €

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