Juger la reine, la naissance d'un mythe


Historien à succès

 

Emmanuel de Waresquiel est la preuve vivante qu’on peut faire rimer rigueur du chercheur, talent littéraire et succès éditorial : ses biographies de Talleyrand et Fouché ont remporté de nombreux prix ainsi qu’un grand succès auprès du public (respectivement 60 000 et 40 000 exemplaires vendus). Waresquiel a le don inimitable de nous faire revivre le passé et de dresser des portraits au couteau de ces personnages mystérieux et troubles. Ici, il s’attaque à un véritable mythe, à travers une relecture de son procès, Marie-Antoinette. Le jeu en vaut-il la chandelle ?

 

Une reine tant haïe…

 

Son procès sonne le glas d’un parcours ô combien difficile en terre de France pour une archiduchesse autrichienne (et lorraine) devenue reine. Dès sa jeunesse, elle fait l’objet de libelles et d’injures. On l’accuse par exemple  de coucher avec son beau-frère le comte d’Artois ou ses amies la princesse de Lamballe et la princesse de Polignac. Femme esseulée, Marie-Antoinette a, insiste Waresquiel, du mal avec l’étiquette de la cour de France (importée d’Espagne et de la cour des… Habsbourg) et essaie de se recréer des lieux chaleureux où elle peut protéger son intimité : ce faisant, elle brise, sans le savoir, un des fondements de la monarchie louis-quatorzienne fondée sur la représentation permanente de la personne royale.

 

La revanche des hommes et le stoïcisme d’une femme…

 

Prisonnière de la Conciergerie, en deuil d’un mari qu’elle n’a jamais aimé, Marie-Antoinette répond aux interrogatoires et ne rencontrera pas ses avocats, commis d’office, avant son procès. De toute façon,  Fouquier-Tinville, l’accusateur public, et les juges sont de connivence (et on compte parmi eux un possible bâtard de Louis XV, Maire-Savary !). Et l’assistance –les fameuses tricoteuses- est gagnée d’avance à la peine de mort. Marie-Antoinette fera face avec dignité à l’accusation, celle des hommes de la Révolution avides de revanche contre le pouvoir des femmes, courtisanes, favorites et reines… Elle croit encore à un verdict clément mais tous l’ont abandonné (y compris son neveu l’empereur François). Elle sera, au cours d’un parcours d’une heure dans les rues de la Capitale, guillotinée place de la Révolution (actuelle place de la Concorde). Rien, pour Waresquiel, ne justifiait cette exécution et l’auteur de ces lignes est complètement d’accord avec lui.


Voici un récit précis, rigoureux, très bien écrit, d’une page noire de l’histoire de France et de notre République. Plus que recommandé, obligatoire pour les amateurs de la période.

 

 

 

Sylvain Bonnet

 

Emmanuel de Waresquiel, Juger la reine, Tallandier septembre 2016, 360 pages, 22,50 €

Aucun commentaire pour ce contenu.