Israël et ses colombes, gloire et déboires du pacifisme

 

Ancien directeur de recherches au CERI Sciences Po, Samy Cohen a beaucoup travaillé sur les relations entre l’armée et le pouvoir politique. On lui doit un très bon ouvrage, La monarchie nucléaire, sur la façon dont le général de Gaulle a instrumentalisé la création de la force de frappe nucléaire française pour conforter son autorité et légitimer la constitution de la Ve République. Plus récemment, il a publié Tsahal à l’épreuve du terrorisme en 2009 où déjà il montrait son intérêt pour la démocratie israélienne. Avec Israël et ses colombes, il s’intéresse maintenant aux courants pacifistes de l’Etat Hébreu et plus particulièrement au mouvement de la paix maintenant. Autrefois très puissant, le camp des colombes est aujourd’hui dans une impasse, à l’instar du processus de paix israélo-palestinien : comment en est-on arrivé là ?

 

Naissance, apogée et reflux du camp de la paix

 

Samy Cohen montre très bien que, dès les origines de l’Etat hébreu, il existait des personnalités pacifistes, membres de partis d’extrême-gauche comme le Mapam. C’est cependant la guerre du Kippour et la contestation de l’establishment travailliste, accusé de négligences, qui lance des mouvements qui rejettent le statu quo et insistent pour trouver une solution pacifique au conflit avec les pays arabes. Plus que les accords de Camp David et le traité de paix avec l’Egypte (1979), c’est la guerre du Liban en 1982 qui lance le mouvement pacifiste de la paix maintenant, qui recrute beaucoup de réservistes. Son grand succès est d’obtenir la démission du ministre de la défense, Ariel Sharon après des manifestations très importantes. Pour Samy Cohen, il s’agit de l’apogée d’un mouvement qui suscite la méfiance de la gauche travailliste, son partenaire a priori naturel. Ainsi, Rabin ne s’appuiera pas sur eux lors des accords d’Oslo. Les années 90 voient le triomphe des idées des pacifistes, de la Paix maintenant… Triomphe de courte durée. L’échec des pourparlers de 2000 entre Barak et Arafat, puis la seconde Intifada signent l’échec d’un processus de paix condamné par la droite israélienne (et aussi par nombre de palestiniens). On peut aussi signaler la responsabilité de Barak qui a créé un mythe selon lequel Israël n’avait pas d’interlocuteur pour la paix, délégitimant ainsi Arafat et l’autorité palestinienne (avant que celle-ci ne s’implique dans la seconde Intifada). Aujourd’hui, le mouvement est marginalisé et le conflit gelé…

 

Permanences

 

Pourtant, le pacifisme n’est pas mort dans une société israélienne beaucoup moins monolithique qu’on ne le croit en Europe. Samy Cohen signale l’existence d’associations et d’ONG comme Other voice qui invitent israéliens et palestiniens frappés par la mort d’un proche à se parler, à dialoguer. L’opinion publique israélienne reste partisane d’une solution à deux Etats, la seule viable car un Etat binational signifierait à terme la victoire des arabes musulmans, à la natalité plus importante que celle des juifs israéliens. Reste en tout cas à la fin de ce livre un sentiment d’amertume devant l’échec de la paix. Echec provisoire ? L’avenir et les hommes le diront.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Samy Cohen, Israël et ses colombes : enquête sur le camp de la paix, Gallimard, octobre 2016, 320 pages, 25 €

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