Longtemps professeur à l’université Paris IV, Jacques Frémeaux a longtemps enseigné l’histoire du l’emprise coloniale française dans le monde arabe. On lui doit notamment Les bureaux arabes dans l’Algérie de la conquête (Denoël, 1993), La France et l’Algérie en guerre (Economica, 2002), De quoi fut fait l’empire (CNRS éditions, 2010) et La question d’Orient (Fayard, 2014). Avec La conquête de l’Algérie, il se propose non pas de chroniquer la conquête depuis 1830 mais de s’intéresser sur la dernière campagne d’Abd-E-Kader (1845-1847) en reprenant la base de sa maîtrise : Jacques Frémeaux se penche ainsi sur son passé, comme le comédien qui, pour sa dernière pièce, reprend son premier rôle, juste pour voir…

Rien n’était joué, tout restait fragile

Qu’est-ce qui ressort de l’ouvrage de Jacques Frémeaux ? D’abord que la conquête de l’Algérie (celle du littoral, le Sahara viendra ensuite) restait fragile, rencontrant l’hostilité récurrente des tribus arabes, prêtes à en découdre avec l’occupant étranger et « chrétien ». Il y a ensuite des personnalités fascinantes comme Bugeaud, ancien officier de Napoléon, qui se retrouve à diriger la conquête, ou comme Yusuf, ancien soldat du Bey de Tunis devenu soldat français expert de la razzia. Quant aux colons, Bugeaud s'en méfie (voire les méprise), pressentant que rien ne peut être fait sans les arabes en Algérie. Or ces tribus arabes ne se soumettent qu'à regret aux envahisseurs chrétiens, qu'ils méprisent...

Enfin se dégage la figure d’Abd-El-Kader, chef des rebelles et vrai mystique, qui force le respect de ses adversaires malgré les vicissitudes.  Voici un ouvrage passionnant, à même de fasciner le lecteur envers ces conquérants et ces conquis. Quelque chose s’est passé entre la France et l’Algérie dont nous sommes les enfants aujourd’hui.

Sylvain Bonnet

Jacques Frémeaux, La conquête de l’Algérie, CNRS éditions, septembre 2016, 336 pages, 25 €